Le problème du déficit public de la Grèce est actuellement au coeur de l'actualité, mais le Japon, pays développé le plus endetté du monde, marche lui aussi sur la corde raide, estiment les analystes.

L'endettement public devrait dépasser cette année les 200% du produit intérieur brut (PIB) nippon alors que le gouvernement tente de sortir la deuxième économie du monde du marasme, sur fond de baisse des rentrées fiscales et de hausse des dépenses sociales au profit d'une population vieillissante.

Le Japon «ne peut pas financer» son budget de plusieurs centaines de milliards d'euros pour la période d'avril 2010 à mars 2011 tout en stimulant son économie convalescente, estime Hideo Kumano, économiste en chef au Dai-ichi Life Research Institute.

Si le Japon n'émettait pas de nouveaux bons du Trésor, «il serait en faillite d'ici 2011», souligne-t-il.

Après avoir surmonté l'une des plus graves récessions de son histoire, l'économie japonaise reste encore fragile, en proie à la déflation, à une énorme dette publique et à une consommation intérieure anémiée.

Son endettement record est le résultat de plans de relance à répétition depuis la «décennie perdue» des années 90.

Le Japon a perdu depuis 1998 la prestigieuse note «AAA» de l'agence Standard & Poor's dont jouissent la plupart des autres grands pays industrialisés. En janvier, l'agence a même menacé de dégrader sa note à long terme qui est actuellement de «AA», la troisième meilleure sur une échelle de 22.

Mais l'un des points forts du Japon est que sa dette est, à plus de 93%, détenue par des investisseurs japonais, notamment la Banque de la Poste du Japon.

«Le risque de défaut du Japon est faible, car il a un énorme excédent de ses comptes courants, grâce à l'épargne du secteur privé», souligne Katsutoshi Inadome, spécialiste des obligations à Mitsubishi UFJ Securities.

Une crise comme celle que traverse actuellement la Grèce semble donc improbable au Japon, mais les analystes se demandent combien de temps encore le gouvernement pourra continuer à dépendre ainsi des bons du Trésor.

«Il n'y a pas de problème tant que l'argent coule à flot sur le marché obligataire», estime M. Kumano.

«Il est difficile de prédire le moment où ce marché risque de s'effondrer, mais ce sera quand il jugera que le Japon n'a plus la capacité de financer sa dette», ajoute-t-il. «Et quand cela arrivera, le yen dégringolera et les capitaux abandonneront les bons japonais pour aller se placer sur les obligations étrangères.»

Toutefois, certains analystes soulignent qu'il n'existe aucun exemple démontrant qu'une dette approchant les 200% du PIB représente un réel danger.

Takehide Kiuchi, économiste chez Nomura Securities, rappelle que la dette de la Grande-Bretagne après la Deuxième Guerre mondiale avait atteint les 260% «mais le gouvernement n'avait pas dû faire face à une crise».

«Il n'existe aucune réponse à la question sur le niveau critique d'endettement annonçant une explosion», affirme-t-il.

Le danger le plus réel lié à l'énorme dette du Japon est la poursuite de la déflation dans un contexte d'économie convalescente, estiment les analystes.

«Quand l'économie est mauvaise, les gens ne dépensent plus, car ils sont inquiets pour l'avenir, ce qui en retour aggrave le risque de déflation», explique M. Kiuchi.

La poursuite de la déflation signifie aussi moins de rentrées d'impôts et plus de dépenses pour relancer l'économie, ce qui peut avoir pour conséquence un alourdissement de la pression fiscale, qui à son tour pèserait sur la demande et renforcerait la déflation.

La clé pour sortir de ce cercle vicieux serait de mettre en place une stratégie de croissance économique réaliste, estiment les analystes. Le Premier ministre Yukio Hatoyama doit annoncer les détails de son plan en juin.