Les contribuables les plus riches se trouvent dans le collimateur de nombre de gouvernements européens qui tentent de trouver de nouvelles pistes pour accroître les revenus de l'État et ramener leur déficit à un niveau raisonnable.

Le sujet est sensible en Grande-Bretagne, où le taux d'imposition des personnes dont le revenu excède 235 000$ vient de passer de 40 à 51% dans le cadre d'une réforme fiscale.

Les travaillistes, qui espèrent conserver le pouvoir à l'issue d'une bataille électorale chaudement disputée, n'ont guère le choix puisque le déficit public devrait atteindre près de 11% du produit intérieur brut (PIB) pour l'année en cours.

L'Espagne, frappée de plein fouet par la crise, ainsi que l'Irlande ont aussi décidé de revoir leur fiscalité en demandant aux plus riches contribuables d'apporter une contribution sensiblement plus importante. Sans pour autant épargner la classe moyenne.

Les mêmes tiraillements s'expriment en France, où de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer l'abrogation du «bouclier fiscal», élément central de la politique économique du président Nicolas Sarkozy.

Le chef d'État avait renforcé ce dispositif à son arrivée au pouvoir en 2007 de manière à garantir qu'aucun Français ne soit appelé à payer, une année donnée, plus de 50% de son revenu fiscal de référence.

L'Élysée estime qu'une révision de cette mesure serait vue comme un échec, mais nombre de membres de la majorité sont d'un autre avis.

L'ex-premier ministre Alain Juppé a déclaré publiquement il y a quelques jours qu'il ne serait «pas choqué» que les classes les plus aisées soient appelées à apporter une contribution additionnelle.

Un groupe de députés de la majorité réclame la suspension, pour un an ou plus, du bouclier. Ils évoquent la «situation profondément dégradée des finances publiques», mais aussi le fait que le dispositif «pèse gravement et négativement dans le débat sur l'efficacité et l'équité de notre système fiscal».

Bouclier fiscal de 1 milliard

Un récent rapport souligne que 16 350 contribuables ont profité du bouclier fiscal en 2009, épargnant une somme totale de près de 1 milliard de dollars. Un millier de ménages disposant d'un patrimoine de plusieurs millions de dollars se sont accaparés de 63% du total.

Le Parti socialiste pense que Nicolas Sarkozy devrait se plier au «bon sens» et se résigner à une réforme. «Il est arc-bouté sur un symbole du sarkozysme, alors que le monde entier bouge autour de lui», dit le secrétaire national à l'économie du parti, Michel Sapin.

Dans les pages du quotidien économique Les Échos, le journaliste Jean-Marc Vittori souligne que le président se retrouve dans une position similaire à celle d'Abraracourcix dans Astérix au pays des Helvètes, posé au sol sur son bouclier, tandis que ses porteurs se disputent.

«Il n'en est pas encore là, mais il a lui aussi de plus en plus de mal à trouver des hommes qui soutiennent son bouclier», souligne-t-il.

L'Élysée se contente de dire qu'un «prélèvement spécifique sur une catégorie de la population» pourrait éventuellement être effectué pour financer une réforme controversée des régimes de retraite.

Le premier ministre François Fillon martèle parallèlement sa volonté de réformer des «niches fiscales» existantes de manière à épargner jusqu'à 3 milliards de dollars par année pour les trois prochaines années.

Le gouvernement français peut toujours rêver que les contribuables les plus aisés réclament d'eux-mêmes la possibilité de contribuer une part plus importante de leurs revenus à l'État.

Le scénario, aussi improbable soit-il, est survenu à la fin de 2009 en Allemagne, où un groupe d'une quarantaine de personnes privilégiées a demandé à Berlin d'imposer une taxe spéciale sur la fortune pour quelques années.

La chancelière Angela Merkel n'a pas relevé à ce jour l'invitation, mais l'opportunité de rehausser les impôts fait aussi débat dans ce pays.