Un tribunal américain blâme Bombardier, la Fondation Joseph Armand Bombardier, la Fondation Chagnon, l'Université de Montréal et l'Ecole polytechnique pour n'avoir pas fait tous les efforts possibles afin de conserver et de retracer des documents liés à un important scandale financier.

Ces entités québécoises, de même que des investisseurs d'autres pays, poursuivent les responsables des fonds spéculatifs Lancer Offshore et OmniFund, dans l'espoir de récupérer les quelque 550 millions US qu'ils y ont perdus, en 2003. Leur récent revers judiciaire pourrait toutefois nuire à leur action.

Dans un jugement rendu en janvier, la US District Court du sud de l'Etat de New York a reproché à Bombardier, à la Fondation Bombardier et à la Fondation Chagnon d'avoir fait preuve de «négligence grave» dans la récupération des documents pertinents à la défense des responsables des fonds.

La juge Shira Scheindlin précise notamment que la Fondation Chagnon a retracé des courriels dès 2004, mais qu'elle ne les a transmis aux avocats des fonds qu'en 2008. La cour soutient que la fondation a l'«induite en erreur» en affirmant faussement que tous les documents pertinents avaient été communiqués.

Le tribunal reproche aux caisses de retraite de Bombardier d'avoir attendu jusqu'en 2007 pour demander à une dizaine de membres de leur comité d'investissement de fournir les documents pertinents qu'ils pouvaient avoir en leur possession.

De son côté, la Fondation a continué de ne garder qu'une seule année d'archives électroniques, en dépit de l'obligation de conservation qui incombe à quiconque intente une poursuite judiciaire.

La juge Scheindlin, spécialiste en matière de preuve électronique, a blâmé moins sévèrement l'Université de Montréal et l'École polytechnique, estimant néanmoins qu'elles avaient été «négligentes» dans leur gestion des documents. Polytechnique a omis d'effectuer une recherche en profondeur sur ses serveurs, alors que l'UdeM n'a pas communiqué des documents internes qui laissaient entrevoir dès 1998 les problèmes financiers des fonds.

En conséquence, la magistrate a ordonné au jury affecté au dossier de tenir compte de cette négligence généralisée dans leur appréciation de la poursuite déposée par les investisseurs. Ceux-ci maintiennent encore aujourd'hui qu'aucun document pouvant être utile à la défense des responsables des fonds n'a été détruit.

Les investisseurs devront tout de même rembourser les frais juridiques «raisonnables» des fonds découlant de ce débat complexe sur la gestion des documents.

L'issue finale de cette affaire ne sera pas connue avant plusieurs mois, voire des années.

La Fondation Chagnon, la Fondation Bombardier, Bombardier et l'Université de Montréal ont refusé de commenter le jugement.

«Nous en avons pris bonne note», a pour sa part déclaré Chantal Cantin, directrice des communications de l'École polytechnique, en soulignant toutefois qu'il s'appuyait sur les règles de droit américaines, plus strictes que les canadiennes dans ce domaine.

Pour cette raison, l'École n'a pas l'intention de resserrer ses règles de conservation des documents, a indiqué Mme Cantin.

Les fonds Lancer Offshore et OmniFund, qui étaient enregistrés aux îles Vierges britanniques, ont été placés en faillite en 2003. Les investisseurs, au nombre total de 86, ont intenté leur poursuite en février 2004. S'appuyant sur des accusations portées par la Securities and Exchange Commission des Etats-Unis, ils allèguent qu'une fraude massive explique une bonne partie de leurs pertes.

En tout, 16 entités montréalaises prennent part à la poursuite. Ensemble, elles ont perdu 317 millions US dans l'aventure. Bien qu'elles fassent partie du lot, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins ne sont pas visés dans le jugement portant sur la gestion des documents.