Si le Québec apprécie à juste titre les feuilles de vigne farcies, le féta ou les olives Kalamata, il ne doit en aucun cas s'inspirer des recettes grecques en matière de finances publiques.

L'État hellène a le triste record européen de la dette et du déficit les plus élevés relativement à la taille de son économie, cette année.

Sa dette totale équivaut à 102,6% de son produit intérieur brut (PIB) alors que son déficit budgétaire pour l'année en cours avoisine les 13%.

La Grèce ne peut pas imputer le désordre de ses finances publiques à la récession. La contraction économique moyenne de la zone euro s'est élevée à 4% en 2009, alors que celle de Grèce a été contenue à 2,0%.

«La composante structurelle du déficit est très importante, notait plus tôt cette semaine Mathieu Arseneau dans L'hebdo économique de la Financière Banque Nationale. Cela alimente assurément les craintes du marché quant à la situation de la Grèce puisque, par définition, un déficit structurel ne se résorbe pas au moment de la reprise économique.»

Dans sa misère budgétaire, la Grèce a un peu de veine. Elle n'a que 6,7% de sa dette à renégocier cette année, comparativement à près du tiers pour l'Irlande, aussi aux prises avec une grave crise budgétaire. Malgré tout, elle a dû consentir un rendement de 6,25% lors d'une récente émission de titres d'emprunt, soit 300 centièmes de plus qu'une obligation allemande d'échéance comparable.

Comme les pays inonderont les marchés de titres de dette souveraine au cours des prochaines années pour financer leurs programmes de relance économique, les acheteurs d'obligations auront l'embarras du choix et pourront se montrer gourmands.

La Grèce n'aura d'autre option que de comprimer ses dépenses, tout en assumant un service plus élevé de sa dette. Cette dynamique douloureuse lui laisse moins d'argent pour stimuler la croissance par des dépenses productives. En prime, elle sera aussi bientôt confrontée au choc démographique de l'arrivée des baby-boomers à la retraite.

D'inquiétantes similitudes

Sans être aussi dramatique, la situation du Québec présente d'inquiétantes similitudes avec celle de la Grèce.

La récession a frappé beaucoup moins fort ici qu'ailleurs en Amérique du Nord. La contraction économique l'an dernier dans la société distincte est estimée à 1,7%, comparativement à 2,6% d'un océan à l'autre, 2,4% aux États-Unis et plus de 5% au Mexique.

Le Québec se dirige vers un déficit de 4,7 milliards. Si on ajoute la part qui lui revient du déficit fédéral, soit 12 milliards, on en arrive à un déficit qui équivaut à 5,6% de la taille de son économie (303 milliards).

Mince consolation, 5,6% c'est deux fois moins que la Grèce, dont le PIB est plus petit que celui du Québec, en dépit d'une population plus grande.

Toutefois, selon une étude du ministère des Finances, la dette publique du Québec équivaut déjà à 94% de la taille de son économie, si on la mesure selon les critères de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

Son service coûte 6,2 milliards au Trésor cette année, soit 10% des revenus budgétaires. Dans quatre ans, cela pourrait passer à 9,8 milliards.

Déjà, la note de crédit du Québec (A") est bien inférieure à celle du Canada (AAA) et même du Nouveau-Brunswick (AA-), alors que nous vivrons un choc démographique plus grand.

Que faire? Les économistes de Desjardins proposent un remède radical. Le Québec pourrait viser un ratio de la dette nette (la dette brute moins les actifs financiers) sur le PIB se rapprochant de la moyenne des autres provinces, aux alentours de 22% si on exclut l'Alberta, suggèrent-ils dans le dernier numéro de Point de vue économique. Le ratio de la dette nette sur le PIB est actuellement à 42,6%.

Cela suppose un meilleur contrôle de la croissance des dépenses et une tarification des services aux prix du marché.

«L'expérience récente de la Grèce démontre les problèmes et contraintes que peuvent engendrer certains changements quand l'endettement d'un pays devient préoccupant pour la communauté financière internationale», concluent-ils.

Athènes, P.Q.? Non, merci.