Un an et demi après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, aucun accord mondial n'a été conclu pour renforcer la régulation du secteur financier.

Aux États-Unis, en Europe et en Asie, les autorités compétentes travaillent à des règles plus strictes, mais leurs solutions diffèrent et un système de contrôle uniformisé semble encore loin.

Les remèdes proposés pour éviter une nouvelle crise financière divergent fortement sur plusieurs points essentiels. Ainsi, alors que les États-Unis veulent réduire la taille des banques et leur capacité à prendre des risques, les Européens jugent ce plan inadapté à leur situation et cherchent plutôt à lutter contre certains produits financiers dérivés.

En Asie, les autorités chinoises contraignent les banques à se constituer des réserves plus importantes. Quant à l'Inde, elle a conservé une législation plus stricte que dans nombre de pays occidentaux.

Un rapport publié la semaine dernière sur la faillite de Lehman Brothers a souligné que les autorités américaines de régulation n'avaient pas décelé des manipulations comptables de la banque d'affaires, qui donnaient une image erronée de son état de santé.

La chute de Lehman en septembre 2008, plus grande faillite de l'histoire des États-Unis, avait ébranlé les marchés et conduit à l'adoption d'un plan de sauvetage de 700 milliards US du secteur financier américain.

Un an et demi après, aucun accord sur une régulation accrue n'est en vue tant aux États-Unis qu'au niveau mondial. Le désastre de Lehman Brothers montre que le renforcement des règles internationales est un «impératif énorme», souligne Kenneth Rogoff, professeur de Harvard et ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI). Mais il estime qu'il sera «très difficile» de parvenir à un accord mondial.

Les divergences entre Américains et Européens sont patentes. L'UE rejette ainsi le projet de Washington visant à limiter la taille des banques et à leur interdire de puiser dans leurs fonds propres pour des opérations risquées. En Europe, les banques sont déjà de taille plus réduites.

«Essayer d'appliquer des règles globales sur la structure, le contenu et l'éventail des activités des établissements bancaires est trop difficile», a jugé ce mois-ci le ministre britannique du Commerce, Peter Mandelson.

En revanche, les Européens menacent de restreindre le marché des «credit default swaps» (CDS), des produits dérivés qu'ils accusent d'avoir aggravé la crise de la dette en Europe en encourageant la spéculation sur un éventuel défaut de paiement de la Grèce ou d'autres pays.

Les autorités européennes souhaitent que les États-Unis prennent des mesures contre les CDS. Des projets de loi en examen au Sénat et à la Chambre des représentants devraient exiger que la plupart des transactions sur les produits dérivés passent par des chambres de compensation pour garantir plus de transparence. Mais ils n'envisagent pas d'en restreindre l'usage.

Un autre point de friction concerne les fonds spéculatifs. Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, craint que les règles envisagées en Europe n'excluent les fonds spéculatifs et sociétés d'investissement américains du marché européen.

Les propositions de l'UE obligeraient probablement les grands fonds américains opérant en Europe à révéler régulièrement leurs activités et leur exposition au risque. L'objectif est de prouver qu'elles ne menacent pas le système financier. Réunis mardi à Bruxelles, les ministres des Finances de l'UE ont reporté leurs discussions sur la régulation des fonds spéculatifs, avançant qu'ils avaient besoin de davantage de temps pour trouver un accord.

En l'absence d'un système de régulation harmonisé, les banques et traders risquent de délocaliser des activités là où les règles sont les plus permissives. Des activités risquées interdites dans un pays pourraient ainsi se déplacer vers un autre à la législation moins stricte.

Reste que pour certains experts, le maintien de différences entre les réglementations peut être utile. Une diversité de réglementations peut permettre de détecter des défauts dans la législation d'un pays et de trouver des solutions ailleurs, souligne l'analyste bancaire Bert Ely. Et d'ajouter: «Si tout le monde adopte les mêmes règles et a tort, alors nous tomberons tous de la falaise ensemble lors de la prochaine crise.»