Le scandale né des révélations sulfureuses sur le statut fiscal très privilégié de Lord Ashcroft, vice-président des conservateurs britanniques et premier donateur de son parti, n'en finit pas d'empoisonner les Tories, en perte de vitesse à quelques semaines des élections législatives.

Quelque 127 millions de livres (près de198 millions de dollars canadiens): c'est le montant des impôts qu'aurait économisés le baron Michael Ashcroft depuis une dizaine d'années. Le Lord de 64 ans est la 37e fortune du pays mais son empire, évalué à plus d'un milliard de livres, est basé au Belize, pays d'Amérique centrale qui figure sur la liste des paradis fiscaux et où il est exempté d'impôts. Il en possède la nationalité et en a même été l'ambassadeur à l'ONU.

Mais «Lord Ashcroft of Chichester, Commandeur de l'Ordre de St-Michaël et St-Georges» est également Britannique, ce qui lui permet de déclarer ses revenus en Grande-Bretagne. Il le fait sous le statut fiscal de «non-domicilié», réservé aux personnes résidant la plupart du temps à l'étranger. De ce fait, il ne paie d'impôts que sur ses revenus britanniques et non sur ceux provenant de l'étranger.

Ce privilège réservé aux «non-doms» est légal: 116 000 étrangers en profitent, dont la moitié des 5000 plus grandes fortunes du pays qui économiseraient ainsi plus d'un milliard de livres d'impôts.

Au moment où la population est appelée à se serrer la ceinture, cette situation fiscale est vivement controversée. D'autant plus pour Lord Ashcroft, vice-président d'un parti dont le leader David Cameron a récemment estimé que les députés ou Lords devraient payer tous leurs impôts en Grande-Bretagne.

La controverse s'est récemment transformée en scandale quand la presse a révélé que le baron avait promis de devenir un résident britannique à part entière en échange de sa nomination, en 2000, à la chambre des Lords, chambre haute du Parlement.

«Il s'est engagé à devenir résident lors de la prochaine année fiscale... Cette décision va lui coûter des dizaines de millions d'impôts par an», assurait William Hague, alors leader des Tories, dans une lettre de 1999 plaidant la cause du baron auprès du premier ministre, qui nomme les membres à la chambre des Lords.

Les adversaires des conservateurs, principale opposition britannique, dénoncent une promesse «brisée» et accusent les dirigeants tories d'avoir fermé les yeux. William Hague a assuré avoir découvert le pot aux roses «ces derniers mois seulement». David Cameron estime quant à lui l'affaire «close» depuis que le Lord a révélé son statut.

Le scandale pourrait cependant encore rebondir. Le baron devra s'expliquer le 18 mars devant une commission de députés. Le Labour appelle à sa démission et les libéraux-démocrates, troisième force du pays, veulent une enquête du fisc.

Mais Lord Ashcroft est un rouage essentiel de la machine Tory. Premier donateur du parti, il est également responsable de la campagne dans les sièges dits «marginaux» (les plus disputés). Ces circonscriptions pourraient déterminer l'issue des prochaines législatives, qui doivent avoir lieu d'ici à juin.

Le scandale de «l'exilé fiscal Ashcroft», comme l'appelle la presse, est du pain béni pour le Labour du premier ministre Gordon Brown, en pleine remontée dans les sondages. Les Tories ont ainsi vu fondre leur avance, passée de plus de vingt points à environ cinq points actuellement face aux travaillistes.

L'affaire Ashcroft est devenue le poil à gratter des Tories, qui tentent désespérément de se départir de leur image de parti des riches. «Les conservateurs veulent présenter un visage moderne mais le ténébreux Lord Ashcroft les fait revenir à une autre ère», écrit un éditorialiste du Times.