Les patrons des banques britanniques ont voulu montrer qu'ils avaient tiré les leçons de la polémique sur les bonus, en se privant cette année des leurs, ou en les reversant à des associations, tout en défendant le principe même de ces primes dont ils ont continué à gratifier leurs employés.

La semaine dernière, les patrons de Royal Bank of Scotland (RBS) et de Lloyds Banking Group (LBG), deux banques dont l'Etat est devenu le principal actionnaire après les avoir sauvées pendant la crise du crédit, ont renoncé à percevoir des bonus respectifs de 1,8 et 2,6 millions d'euros. Ils ont expliqué que les Britanniques n'auraient pas compris qu'ils empochent de telles sommes, alors que leurs groupes ont essuyé de lourdes pertes l'an dernier.

Ils ont suivi l'exemple de John Varley et Bob Diamond, les dirigeants de Barclays, qui avaient les premiers renoncé symboliquement à toucher leurs primes de performances annuelles, bien que la banque ait traversé la crise financière sans aide de l'Etat et ait même presque doublé ses bénéfices l'an dernier.

Cette semaine, les directeurs généraux de HSBC et Standard Chartered (StanChart), qui comme Barclays ont surmonté seules la crise, et qui réalisent l'essentiel de leur activité dans les pays émergents, essentiellement l'Asie, ont également fait acte de contrition.

Contrairement à leurs concurrents, ils n'ont pas refusé leurs bonus (4,4 millions d'euros pour Michael Geoghegan de HSBC et 2,3 millions pour Peter Sands, de StanChart), mais ont promis de les reverser à des associations caritatives, là encore pour apaiser les critiques.

Plaidoyers pro-bonus

Mais ces dirigeants se sont livrés les uns comme les autres à des plaidoyers pro-bonus, défendant le fait que leurs établissements continueraient à verser cette année des primes importantes à leurs employés (près de 3 milliards d'euros pour Barclays), en respectant les règles édictées par le G20.

Même si la question de la paye des banquiers est «extrêmement sensible», «chez HSBC, nous sommes persuadés que les bonus sont un élément de rémunération légitime et adéquat», a défendu le président du géant bancaire, Stephen Green, qui avait renoncé par avance à tout bonus au titre de 2009.

Les banques de la City ont préféré payer la taxe temporaire de 50% instaurée par le Royaume-Uni sur les bonus de leurs employés, plutôt que de renoncer à en verser, ce qui était l'objectif initial de cette mesure.

HSBC paiera à elle seule 260 millions d'euros au gouvernement britannique, au titre de cette taxe (plus 33 millions à la France, qui a instauré un impôt similaire). Barclays paiera 250 millions d'euros et RBS un peu moins (230 millions). LBG, très peu présente dans la banque d'affaires, devrait verser des sommes plus modestes et StanChart n'a pas encore préciser le montant de son écot.

De nombreux commentateurs en ont conclu que l'énorme agitation politico-médiatique sur la question des bonus avait accouché d'une souris.

Le quotidien de gauche The Guardian a estimé lundi que le gouvernement de Gordon Brown avait «gagné une bataille» en poussant les patrons à sacrifier leurs bonus, «mais perdu la guerre» en échouant à éradiquer la culture des bonus élevés, et qu'il devait augmenter ses efforts pour limiter les rémunérations du secteur.

Le candidat du parti conservateur au poste des ministres des Finances, George Osborne, a lui aussi pourfendu la persistance de bonus «ridiculement élevés» au sein de la City, et préconisé l'adoption d'une taxe internationale pour les restreindre.