La direction communiste chinoise est sortie renforcée de la crise mondiale qu'elle a pu traverser sans les contraintes inhérentes aux démocraties mais elle n'en marche pas moins sur la corde raide pour tenter de rééquilibrer son économie.

À quelques jours de l'ouverture de la réunion annuelle du Parlement, vendredi, les analystes sont aux aguets pour relever tout éventuel changement de ton des dirigeants qui pourrait présager une modification de la politique monétaire, de taux de change, des mesures contre les pressions inflationnistes ou pour la relance de la consommation.

Car la Chine reste un pays où la politique économique est décidée au sommet de l'État, avec une planification centralisée.

Grâce à cela, «durant la crise, Pékin a été pu agir très vite et injecter énormément d'argent dans l'économie, là où les démocraties occidentales étaient enlisées dans les vérifications et les équilibres du gouvernement», souligne Todd Lee, analyste aux États-Unis de IHS Global Insight.

«Le revers de cette efficacité, c'est que si les autorités se trompent, tout peut massivement partir de travers», ajoute-t-il.

Aujourd'hui, la troisième économie de la planète, qui talonne le Japon numéro 2, doit juguler l'excès de crédit libéré pendant la crise pour soutenir l'économie, de peur qu'il n'alimente l'inflation. Sans porter atteinte à la croissance et donc à l'emploi.

«Elle doit inverser la vapeur et rééquilibrer sans créer une contraction brusque», souligne Michael Pettis, professeur à l'Université de Pékin.

Pour Eswar Prasad, de la Brookings Institution, cet «exercice de corde raide» pourrait devenir de plus en plus difficile.

«Le modèle de croissance a créé des problèmes potentiels : croissance déséquilibrée, investissement excessif, dépendance aux exportations», dit cet ancien responsable du Fonds monétaire international.

«Le premier défi pour les dirigeants est de s'assurer que la croissance de l'économie reste plus rapide que celle des problèmes», dit-il.

Déjà, Pékin s'est attaqué en douceur à réduire la croissance du crédit, avec trois hausses du taux de réserves obligatoires des banques, et des taux d'intérêt plus attractifs sur ses bons d'État à trois mois et un an.

Des mesures plus drastiques, comme une hausse des taux directeurs et une appréciation du yuan, pourraient intervenir dans les mois à venir, estiment les analystes.

Mais Ben Simpfendorfer, économiste de Royal Bank of Scotland, estime que les autorités doivent aller plus loin et procéder à «davantage de réformes structurelles».

L'économiste compte sur la session du Parlement pour apporter un éclairage sur les projets futurs des décideurs chinois, sur leur disposition à «se concentrer sur la qualité (du développement économique) et non le rythme de croissance» du produit intérieur brut.

Autre signe attendu selon lui : «Est-ce que ce sera la fin du plan de relance ?» lancé en novembre 2008 alors que la Chine était happée par la crise mondiale.

Impossibles à résoudre en un tournemain, même par le pouvoir chinois, les déséquilibres de l'économie devraient rester un défi pour la nouvelle équipe qui prendra le relais, en 2012, des dirigeants actuels conduits par le tandem Hu Jintao/Wen Jiabao.

«Avec le souvenir tout frais de la crise financière, une expérience en économie et gestion devrait peser lourdement lors de la sélection de la nouvelle génération de dirigeants», estime Jing Ulrich, de JP Morgan.