Quelque 1500 milliards de dollars d'argent sale circulent dans le monde, souvent via le cyber-espace, rendant sa traque difficile pour les policiers spécialisés, dont ceux de l'UE réunis mercredi et jeudi à Deauville.

La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) évaluent sa masse de «3 à 5% du produit intérieur brut» (PIB) planétaire, tandis qu'une étude, citée par la justice espagnole en 2009, avançait le double: «3 trillions de dollars»!

Aussi, «la coopération internationale est indispensable», a souligné le directeur central de la police judiciaire (DCPJ) française, Christian Lothion, en ouvrant le séminaire de Deauville, co-financé par la Commission européenne et le ministère français des Affaires étrangères.

Pour relever ce «défi majeur», selon le commissaire divisionnaire Christophe Pérez-Baquey, chef de l'Office central de répression de la grande délinquance financière» (OCGRDF, de la DCPJ), les policiers de 24 pays de l'UE se sont réunis pour mettre en place un «réseau opérationnel des correspondants de ses services antiblanchiment», ont-ils précisé.

Une telle «recommandation, déjà émise lors d'une conférence en Écosse, en 2005», rappelle le Belge Carlo Van Heuckelon, chef de l'Unité financière d'Europol, «n'a, pour des raisons financières», pas été suivie.

Aujourd'hui, il se montre optimiste, affirmant que «le programme de financement de l'UE soutient la réalisation de tels projets».

Le blanchiment s'organise en trois étapes, résumait le rapport «Gravet-Garabiol», dernier du genre publié, en 2000.

Il y a «le placement, ou pré-blanchiment (conversion de l'argent criminel), l'empilage, (multiplication des opérations bancaires et des comptes), l'intégration, dans des activités dont les bénéfices apparaissent légaux».

Au final, estimait ce rapport, il entrait «en France, chaque année, 6 millions d'euros», tandis que «seulement 160 affaires avaient été instruites et 50 jugements rendus» en 13 ans.

Cette infraction «est difficile, complexe, à constituer», souligne Stéphane Almaséanu, magistrat à la direction des Affaires criminelles et des grâces (Chancellerie).

Toutefois à ce jour il y a eu «225 condamnations en France et leur nombre augmente chaque année de façon sensible», assure-t-il.

Le côté transfrontière du phénomène rend «nécessaire» un réseau de coopération policière, pour Peter de Mey, chef du service de lutte contre la délinquance économique et financière belge, dont le pays est, avec la France et la République Tchèque, co-organisateur du séminaire.

Il permettrait «de trouver la bonne personne, au bon service, qui peut vous aider matériellement, vous soutenir», affirme-t-il, en insistant sur «la vitesse» de réaction.

«Avec les flux électroniques, l'argent circule vite, le temps nous est compté et précieux», renchérit un des participants.

La même urgence est soulignée par Kamil Kouba, responsable de l'unité antiblanchiment tchèque: «Je suis absolument persuadé qu'un tel réseau dont «l'absence fait défaut, est un des instruments indispensables» à la lutte contre le blanchiment.

Des spécialistes de six États tiers sont présents à Deauville: Colombie, Croatie, Liban, Macédoine, Maroc et Turquie.

Le séminaire sera clos jeudi par Emile Pérez, chef du Service de coopération technique international de police (Sctip), dont l'implantation dans 91 pays, sera bienvenue pour identifier les bons interlocuteurs au bénéfice de tous.