Bombay est une ville de près de 20 millions d'habitants où les klaxons des taxis incessants finissent par se faire oublier. Curieusement, jamais on n'entend une sirène d'ambulance.

«Parce qu'ils n'en n'ont pas beaucoup», observe Alain Brunelle, patron de Demers Ambulances, venu en Inde avec l'espoir que l'entreprise puisse mettre la main sur le gigantesque marché indien.

«C'est embarrassant à dire, mais la vie humaine a moins d'importance ici. Quand on pose la question, on nous dit qu'il n'y a pas beaucoup d'urgences... pourtant il doit y avoir des accidents, mais il faut être de la classe moyenne en montant pour avoir accès à des services de santé. Bien des gens n'ont tout simplement pas les moyens de se payer ce service», résume M. Brunelle, patron de 150 employés.

À Beloeil, l'entreprise transforme en ambulances des véhicules Ford ou GM. Transformation compliquée parce qu'elle implique une foule d'instruments délicats, et exige que tout soit prévu. «Si vous faites gagner 45 secondes à un ambulancier, vous lui permettez peut-être de sauver une vie», explique M. Brunelle. En Inde, comme les décisions d'achat en santé sont très décentralisées, une petite firme comme Demers peut espérer faire une percée.

Grande expertise

À l'autre bout du spectre, des entreprises québécoises ont une grande expertise en Inde. SNC-Lavalin y a fait son entrée dans les années 60 avec la construction d'un barrage. La firme québécoise a aussi eu un beau succès avec un barrage dans les années 90, à Chamera. Le projet clés en main avait été livré six mois avant l'échéance.

Pour l'avenir, SNC-Lavalin a misé sur quatre secteurs en Inde, explique le vice-président Michael Novak. L'entreprise est dans ses créneaux habituels, infrastructures, énergie, pétrochimie. Ici on ajoute le pharmaceutique, une industrie importante en Inde, où les produits génériques sont largement répandus. Il s'agit de concevoir des établissements totalement aseptisés pour la production de médicaments.

Contrairement aux idées reçues, les Indiens sont très préoccupés par l'environnement. «Il faut que la route passe sans trop écraser la forêt. C'est un peuple spirituel, traditionnel», observe-t-il.

Pour M. Novak, l'Inde offre un intérêt particulier. «L'économie ici croît par la consommation interne, ils ne dépendent pas des marchés d'exportations comme la Chine», explique-t-il.

Comme expert-conseil, SNC fait travailler 1200 personnes en Inde, des ingénieurs essentiellement. Les Québécois sont appelés à la rescousse pour la gérance des projets. Les marges de profits sont faibles, puisqu'on compétitionne avec les entreprises locales. «Faire venir un Québécois ici comme ingénieur, cela coûte trop cher pour le marché», explique-t-il. L'entreprise commence à former les ingénieurs indiens pour les projets internationaux.

Tout n'est pas parfait. SNC-Lavalin fait l'objet de poursuites pour un contrat de barrage réalisé il y a une vingtaine d'années en province. Le processus d'adjudication n'a pas été suivi, selon la poursuite. Deux ministres indiens ont été accusés de trafic d'influence. Le système juridique est stable et prévisible, inspiré de la tradition du Common Law britannique.

Participant à la mission indienne pilotée par M. Charest, le recteur de l'Université de Montréal, Luc Vinet, souligne que son institution doit prendre le rythme de la mondialisation et se rapprocher des enjeux importants. En biologie, en science appliquée, en mathématiques, il y a une très longue tradition de recherche en Inde, rappelle M. Vinet, un mathématicien.

Les échanges commerciaux sont faits de bien des choses. Patron de Genacol, un produit en vente libre, Guy Michaud était content d'avoir obtenu une lettre d'entente avec un laboratoire indien. L'entreprise de Blainville mise, il faut le dire, sur une réalité universelle. Comme bien des Québécois, les Indiens souffrent d'arthrite.