Le Québec appuie sans hésiter le projet de traité de libre échange entre le Canada et l'Inde, une occasion «extraordinaire» pour les deux économies. On est actuellement à évaluer la portée d'un éventuel accord. Il s'agira par la suite de procéder rapidement, sans quoi la volonté politique risque de passer à d'autres priorités.

C'est la mise en garde qu'a faite hier le premier ministre Charest devant un parterre de gens d'affaires, indiens et québécois, réunis par l'Indian Merchants' Chamber (IMC), le plus important regroupement d'entreprises (3000) du sud de l'Inde.

L'accroissement des échanges entre le Québec et l'Inde devra passer par un compromis, a-t-il dit. Le Québec ne pourra à la fois voir croître ses exportations et conserver tous les emplois. Les sociétés québécoises devront créer des emplois en Inde plutôt qu'au Québec pour que les portes s'ouvrent.

Pour M. Charest, le marché indien offre au Québec bien plus de certitudes que la Chine, qui mise beaucoup sur ses exportations. L'Inde est moins vulnérable à la santé économique mondiale. Elle peut compter sur une forte croissance pour plusieurs années, essentiellement parce qu'elle s'appuie sur un marché interne important. «Chaque année, 30 millions d'Indiens accèdent à la classe moyenne. C'est l'équivalent de la population du Canada», a rappelé Jean Charest, hier devant l'IMC.

Une cinquantaine d'hommes d'affaires indiens s'étaient présentés dans l'immense salle, occupée aux deux tiers par la délégation québécoise qui accompagne M. Charest toute la semaine.

«L'Inde a toujours eu une économie très fermée, l'une des plus fermées au monde. La grande révolution du premier ministre actuel, c'est l'ouverture au secteur industriel», a expliqué par la suite M. Charest en point de presse. Dans d'autres secteurs, comme le secteur agricole, «c'est toujours à peu près fermé».

Tarifs élevés

Il y a encore des tarifs très élevés en Inde. Dans un secteur comme l'automobile, les constructeurs étrangers qui veulent pénétrer ce marché doivent payer un tarif qui atteint 40%, a expliqué le Dr Dhananjay Samant, l'économiste en chef de l'India Merchants' Chamber. Les tarifs sont beaucoup plus bas dans les secteurs où l'Inde a des besoins pressants, comme la construction d'infrastructures, par exemple. Le pays s'est doté d'un ambitieux plan d'investissement de 500 milliards de dollars d'ici à 5 ou 10 ans.

Gul Kripalavi, son patron, affirme: «Il y a des restrictions, mais l'Inde est plus ouverte que par le passé. C'est la nouvelle Inde. Les tarifs élevés peuvent trouver des solutions. Personne ne dit qu'on les abolira complètement, mais nous sommes prêts à les réexaminer.»

«C'est parce qu'il reste bon nombre de barrières tarifaires que le Canada a proposé une entente de libre-échange avec l'Inde, a expliqué Simon Prévost, président des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Pour l'instant, c'est plus facile de venir s'installer ici pour produire: on évite la barrière des tarifs. Mais on pourra faire croître nos échanges bien plus vite avec le libre-échange.»

Il est inévitable que les investissements québécois créent plus d'emplois en Inde qu'au Québec, selon lui. «Mais ces emplois en soutiennent d'autres au Québec. Il y a des gens qui vont investir ici pour produire certains biens, mais le génie, le design, la conception vont se faire au Québec. On n'est pas ici pour délocaliser des emplois, prendre des jobs au Québec et les envoyer en Inde. On est ici pour créer des emplois au Québec en investissant en Inde.»