Le Forum de Davos s'est conclu samedi dans une ambiance loin d'être euphorique, car si la croissance est repartie, les problèmes budgétaires d'États comme la Grèce suscitent beaucoup d'inquiétudes, tandis que les banques attendent de mauvaise grâce une régulation renforcée.

Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a prévenu que le rétablissement des finances publiques serait l'un des principaux problèmes pour l'économie mondiale.

«Nous allons être confrontés (à ce problème) pendant cinq, six ou sept ans, selon les pays», a-t-il déclaré lors du Forum économique mondial à Davos (Suisse).

Les États se sont endettés pour sortir leur économie de la récession et doivent maintenant se préparer à revenir sur les mesures exceptionnelles et coûteuses mises en place. Ce processus sera très délicat, a prévenu M. Strauss-Kahn, car si cela est fait trop rapidement, cela pourrait replonger l'économie dans la récession.

La ministre française de l'Economie Christine Lagarde a également souligné l'importance du «timing» à la fois du retrait du soutien public à la reprise, de la réforme du secteur financier et du redressement des finances publiques.

Durant le Forum, banquiers et politiques se sont opposés sur la régulation bancaire mise en avant la semaine dernière de manière spectaculaire par le président américain Barack Obama, qui a annoncé vouloir réduire la taille des banques et les empêcher de mélanger l'activité de banque de dépôts et certaines opérations sur les marchés.

Le président français Nicolas Sarkozy a enfoncé le clou mercredi lors du discours inaugural à Davos en dénonçant les dérives du capitalisme financier et «des comportements indécents qui ne seront plus tolérés par l'opinion publique».

Le ministre allemand de l'Economie Rainer Brüderle a cependant averti samedi que les projets de régulation bancaire ne devaient pas se faire «de façon isolée, au niveau national ou européen», mais dans le cadre du G20, pour éviter des législations nationales plus contraignantes que d'autres.

«Si une place financière devient trop restrictive, d'autres (...) en profiteront», a-t-il affirmé à l'AFP.

Les nombreux banquiers présents dans la station des Grisons ont multiplié les mises en garde contre une réglementation trop stricte qui les empêcherait, selon eux, de financer l'économie.

Joseph Ackermann, patron de la Deutsche Bank, a reconnu la nécessité de réforme mais a mis en garde contre un assèchement du crédit.

«Nous savons tous que quelque chose doit être fait pour restaurer la confiance mais il faut absolument une harmonisation au niveau mondial des réglementation et de la fiscalité», a-t-il dit.

Plusieurs ministres des Finances, banquiers centraux et banquiers privés se sont réunis samedi en privé pour discuter de la question. Outre Mme Lagarde, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, et le chancelier de l'Echiquier Alistair Darling étaient notamment présents.

Barney Frank, président de la commission des services financiers de la Chambre des représentants américaine, qui a aussi participé à cette réunion, a jugé que les banquiers privés comprenaient le besoin de régulation.

«Il va y avoir une régulation, ils comprennent cela. Nous sommes prêts à parler de la manière d'atteindre ce but», a-t-il dit.

«Le pouvoir politique aux États-Unis va certainement mettre en place une régulation dure et raisonnable», a-t-il ajouté. Au sujet des banquiers privés, il a noté: «Ce n'est pas à eux de décider si on le fait ou non».

Par ailleurs, concernant les perspectives économiques pour 2010, M. Strauss-Kahn, dont l'organisation vient de relever ses prévisions de croissance pour le monde à 3,9%, s'est montré prudent comme beaucoup d'intervenants lors du Forum.

«Il faut garder à l'esprit que cette croissance est encore fragile car une grande partie est soutenue par les fonds publics et la demande privée est encore faible», a-t-il expliqué.

Le conseiller économique du président américain Lawrence Summers s'est dit «perturbé par le niveau de l'emploi». «Il y a une reprise statistique et une récession humaine», a-t-il relevé.