Le Québec est présent en force au sommet économique de Davos depuis plus de 20 ans, mais cette année, il sera plus visible que jamais.

Outre le premier ministre Jean Charest et le ministre du Développement économique, Clément Gignac, les grands patrons de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia, du Mouvement Desjardins, Monique Leroux, d'Investissement Québec, Jacques Daoust, de la Société générale de financement, Pierre Shedleur, et de Bombardier, Pierre Beaudoin, se rendront dans la station des Alpes suisses.

«Je n'irai pas là en touriste, je n'aurai pas le temps de faire du ski», a tenu à préciser M. Gignac au cours d'un entretien téléphonique.

«L'économiste que je suis aimerait, au plan intellectuel, assister à plus d'ateliers, mais je n'aurai pas le temps.»

Pour la Caisse de dépôt, ce sera un retour: au cours des deux dernières années, elle avait brillé par son absence à Davos, engluée dans la profonde crise qui a suivi le départ de son ancien président et chef de la direction, Henri-Paul Rousseau, et la publication de résultats catastrophiques, l'an dernier.

«C'est normal que la Caisse de dépôt soit à Davos, a commenté le ministre Gignac. Quand on regarde la taille de son portefeuille, c'est important qu'elle le diversifie au plan international. C'est faire une bonne gestion des risques. Ce qui était anormal, c'est que la Caisse de dépôt ne soit pas à Davos.»

Et pour Mme Leroux, du Mouvement Desjardins, il s'agira d'une première présence à l'assemblée annuelle du Forum économique mondial, qui regroupe quelque 2500 leaders politiques, économiques et sociaux, dont 1400 dirigeants issus des 1000 plus grandes entreprises du monde.

«Que le Mouvement Desjardins soit présent, c'est une très bonne affaire, a estimé M. Daoust, d'Investissement Québec, en entrevue. Les banques sont présentes à Davos, mais des mouvements coopératifs, il n'y en a pas tant que ça. Pour l'image du Québec, c'est excellent.»

Le Québec ne sera pas présent que dans les coulisses du sommet, où l'on parle d'abord et avant tout d'affaires et de contrats. Yvan Allaire, professeur à l'UQAM et à HEC Montréal, sera panéliste à un atelier intitulé «Repenser les valeurs dans le monde de l'après-crise», en compagnie notamment du chef de la direction du groupe de presse Thomson Reuters (TSX:TRI), Tom Glocer.

La tête aux affaires

Jacques Daoust s'attend à ce que le sommet de cette année soit bien différent de celui de l'année dernière, alors que le monde était plongé dans une profonde récession.

«Les gens étaient un peu en désarroi», résume-t-il.

«Cette année, ce que je sens, en me basant sur les rencontres qu'on a organisées pour des projets, c'est qu'il y a une volonté de reprendre l'initiative. On a recommencé à discuter.»

M. Daoust prévoit tenir une dizaine de réunions à Davos, tout comme M. Gignac et le premier ministre Charest. Dans la plupart des cas, il sera question de projets pour lesquels des discussions sont en cours depuis un certain temps, mais qu'on espère pousser plus loin. Puis, à l'occasion, on profitera de la présence de hauts dirigeants de multinationales pour faire de la prospection pure et simple.

Le pdg d'Investissement Québec mettra à l'oeuvre ses techniques de persuasion rapide.

«Tu ne peux pas sortir de là en disant "ç'a été une bonne rencontre, ça m'a fait plaisir de vous voir", raconte-t-il. Il faut que tu dises "what's next?" Ce ne sont pas des rencontres de courtoisie. On veut faire des affaires et si tu n'es pas habitué, t'as de belles rencontres et tu reviens bredouille.»

Québec se concentrera plus particulièrement sur les secteurs de l'énergie, de l'agroalimentaire, de l'aérospatiale, des sciences de la vie et des technologies de l'information.

Depuis plusieurs années, le gouvernement refuse de s'imposer la pression de conclure des ententes à Davos. On comprend sa prudence: l'an dernier, M. Charest avait évoqué un projet d'investissement de «plusieurs centaines de millions de dollars» dans le secteur des énergies vertes, qui ne s'est pas encore concrétisé.

«Je serais bien content si, dans la prochaine année, il y avait des ententes qui pouvaient se matérialiser à la suite de cette rencontre de Davos», a néanmoins confié Clément Gignac la semaine dernière.

La concurrence pour les investissements étrangers est toujours vive, que ce soit avec les autres provinces canadiennes ou les autres régions du monde. Mais depuis quelques mois, l'Ontario fait sentir sa présence plus férocement.

«L'Ontario veut diversifier son économie, souligne M. Daoust. Ils ont été durement frappés par la crise de l'automobile.»

Il reste que cette province et les autres sont peu représentées à Davos. «On trouve là-bas plus de monde du Québec que de toutes les autres provinces réunies», estime Jacques Daoust.

Le gouvernement fédéral, par contre, a mis le cap sur Davos cette année. Le premier ministre Stephen Harper préside le G8 et donnera un avant-goût des thèmes qu'il veut mettre de l'avant au prochaine sommet des grands pays industrialisés, qui aura lieu en juin à Muskoka, au nord de Toronto.

M. Harper compte prôner la conclusion d'un accord mondial «contraignant» pour combattre les changements climatiques, l'adoption de règles musclées pour encadrer le secteur financier et la prudence face à la vigueur réelle de la reprise économique mondiale.

Il sera accompagné de son ministre des Finances, Jim Flaherty, et du gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, qui étaient présents à Davos l'an dernier.