Accusée d'avoir comploté pour obtenir un contrat en Inde et d'en avoir tiré des bénéfices «indus», la firme SNC-Lavalin (T.SNC) n'est pas pressée de se présenter devant une cour indienne même si elle a été invitée à le faire.

SNC-Lavalin et l'un de ses anciens vice-présidents, Klaus Triendl, sont poursuivis par le Central Bureau of Investigation indien (CBI) concernant une histoire de rénovation de trois centrales hydroélectriques dans l'État du Kerala, en Inde, qui remonte aux années 90.

Il y a quelques semaines, des médias indiens ont affirmé que SNC-Lavalin et M. Triendl avaient été sommés de se présenter devant une cour spéciale du CBI pour la troisième fois. Selon les informations rapportées, la firme et son ancien vice-président avaient omis d'obtempérer lors des deux convocations précédentes.

SNC-Lavalin confirme qu'elle a été «invitée» à se présenter en cour, mais affirme qu'il ne s'agit pas d'une convocation «formelle». SNC dit avoir reçu ce qui s'appelle un»réémis de bref d'assignement».

«Nos avocats indiens nous ont avisés que nous ne sommes pas obligés de nous présenter (en cour). Le cas est toujours en investigation préliminaire», a expliqué à La Presse Affaires Leslie Quinton, vice-présidente, communications mondiales, de la firme.

Il n'a pas été possible de joindre Klaus Triendl.

SNC-Lavalin et M. Triendl sont accusés d'avoir fomenté un «complot criminel» avec des dirigeants de l'État du Kerala pour rafler un contrat d'une valeur de plus de 60 millions de dollars concernant la rénovation de centrales hydroélectriques dans les années 90.

Selon les allégations décrites dans les documents du Central Bureau of Investigation, cette conspiration aurait mené à un prix déraisonnable, entraînant des «pertes excessives» pour l'État du Kerala et des «gains indus» pour SNC-Lavalin.

Un hôpital controversé

Selon les allégations, un facteur important dans l'attribution du contrat à SNC était sa promesse de construire un hôpital pour cancéreux au Kerala pour environ 20 millions. Or, SNC-Lavalin n'a fini par verser qu'environ 10% de cette somme.

En 2005, le vérificateur général de l'Inde - le CAG, ou Comptroller and Auditor General of India - avait soulevé plusieurs autres problèmes concernant cette affaire.

Selon le CAG, le contrat aurait été octroyé malgré le fait qu'une large part des travaux avait été jugée non nécessaire par les autorités indiennes. Notons aussi qu'il a été octroyé sans appel d'offres.

Le CAG affirme aussi que la rénovation des centrales n'a amené aucune amélioration de leur performance; cette performance n'aurait même jamais atteint son niveau d'avant les travaux.

«L'objectif même de l'amélioration en efficacité des équipements n'a pas pu être atteint puisqu'il n'y a pas eu d'amélioration dans la génération de puissance», écrit le vérificateur, qui affirme aussi que SNC a «violé les conditions de son contrat» et a «caché des informations».

«Les équipements fournis par SNC avaient aussi plusieurs défauts et certains équipements reçus n'ont pu être utilisés», écrit le CAG.

Le vérificateur explique que les autorités indiennes exigent qu'un projet de rénovation ne dépasse pas 75% des coûts de remplacement complet des équipements. Or, selon ses calculs, les travaux de SNC ont coûté 648% de plus par kilowattheure qu'un nouveau projet.

SNC-Lavalin dit n'avoir rien à se reprocher dans cette affaire. Dans une réponse affichée sur son site web, l'entreprise affirme que le fait que la puissance des centrales ne se soit pas améliorée s'explique une période de sécheresse qui a empêché les turbines de fonctionner à plein régime après les travaux.

Quant à la promesse de construire l'hôpital, SNC soutient qu'il s'agit d'un «sujet complètement différent» de la rénovation des centrales. SNC dit avoir accepté de construire l'hôpital deux ans après le début des travaux hydroélectriques.

SNC dit avoir persuadé l'ACDI (l'Agence canadienne de développement international) de verser 1,8 million pour la construction de l'hôpital.

«Afin d'arranger d'autre financement, nous avions besoin d'un Accord de contribution (AC). Malheureusement, même après plusieurs demandes, le gouvernement du Kerala a refusé notre demande de signer un tel accord. Puisque nous n'avions pas d'AC, nous n'étions pas en mesure d'obtenir de financement supplémentaire», a expliqué dans un courriel l'ancienne porte-parole de SNC, Gillian MacCormack.

La firme affirme avoir en main un certificat du client qui atteste de sa satisfaction des travaux, mais a refusé d'en transmettre une copie à La Presse Affaires. L'entreprise a ajouté qu'elle se rendrait en cour aussitôt qu'elle serait sommée de le faire.