Le géant suisse Nestlé, fort du pactole réalisé grâce à la vente d'Alcon, se trouve désormais en position de force pour réaliser des acquisitions dans le secteur alimentaire, même si les spécialistes ne s'attendaient pas mardi à des rachats de grande envergure.

En annonçant lundi la vente à son compatriote Novartis pour 28,1 milliard de dollars de sa participation de 52% dans le leader mondial des produits ophtalmologiques, le groupe de Vevey (ouest de la Suisse) a un peu plus rempli ses caisses déjà bien pleines.

L'opération a été en tout point profitable pour Nestlé, qui avait acheté Alcon en 1977 pour seulement 280 millions de dollars. Avec la cession de la dernière tranche, la vente a dégagé au total 40 milliards de dollars en numéraire. De quoi alimenter les rumeurs sur d'éventuelles acquisitions majeures.

Las, Nestlé a calmé les marchés en annonçant dès mardi l'achat pour 3,7 milliards de dollars en numéraire de l'activité pizzas surgelées de son rival américain Kraft Foods.

Dans la foulée, le leader mondial de l'alimentaire a rejeté tout intérêt pour un rachat du britannique Cadbury, sur lequel lorgne Kraft Foods.

«Nestlé affichait un endettement net de l'ordre de 15 milliards de francs suisses à la fin 2009. L'encaissement de 28 milliards de francs suisses va donc entraîner une situation de cash net de l'ordre de 13 milliards», a estimé l'analyste d'Aurel, Jean-Marie Lhomé.

Une partie de ces fonds a donc été investie dans le rachat des activités pizzas surgelées de Kraft Foods en Amérique du Nord, un marché très prometteur. Et 10 milliards de francs suisses ont été réservés pour un nouveau programme de rachat d'actions sur deux ans, de quoi réjouir les investisseurs qui ont déjà vu le titre Nestlé grimper l'année dernière de 27,54%.

Mais Nestlé ne devrait pas s'arrêter en si bon chemin, ont estimé les spécialistes.

«La transaction de la veille avec Novartis garantit au groupe alimentaire une importante flexibilité et permet ainsi son expansion ou d'autres acquisitions», ont souligné les analystes de la banque Wegelin. Le matelas financier dont profite Nestlé pourrait également lui permettre de mieux résister à un nouvel affaiblissement conjoncturel, ont-ils ajouté.

Pour l'analyste de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), Patrik Schwendimann, Nestlé est à la fois en mesure de poursuivre «un programme agressif» de rachat d'actions et tient suffisamment de moyens à disposition pour d'éventuelles nouvelles acquisitions.

Claudia Lenz de la banque Vontobel voit également «un potentiel supplémentaire pour accroître en 2010 le programme de rachat d'actions», à côté de «quelques possibilités de rachat».

Reste à savoir ce que Nestlé compte faire avec sa participation de 29,60% dans le groupe français de cosmétiques L'Oréal, qui représente au cours actuel une valeur de près de 14 milliards d'euros.

Interrogé sur cette option, Nestlé a renvoyé vers son communiqué d'avril 2009 où le groupe avait indiqué qu'il continuait «d'agir de concert» avec la famille Bettencourt «à l'égard de la société L'Oréal».

Nestlé pourrait également s'intéresser à son compatriote Lindt & Sprüngli qu'il serait en mesure d'acquérir pour quelque 7 milliards de francs suisses, avait récemment affirmé Jon Cox, de Kepler Capital Markets.

Pour seule réponse à ces spéculations, le groupe de Vevey indique qu'il prévoit entre 2 et 3 milliards de francs suisses par année pour des acquisitions.