La crédibilité internationale de Dubaï en tant que future place forte de la finance mondiale est ébranlée par l'annonce surprise d'une demande d'un moratoire sur la dette du conglomérat public Dubaï World, ont estimé dimanche des analystes.

«L'évolution à venir de la situation et surtout la façon dont les décisions cruciales seront annoncées détermineront la crédibilité (de Dubaï) et sa place comme centre financier» international, a déclaré Cubillas Ding, analyste au Celent research and consultancy group.

«Le système financier légal de Dubaï est actuellement mis, pour la première fois, à l'épreuve face à la manière de traiter avec la communauté internationale. Personne ne veut jouer sur un terrain où les règles ne sont pas claires», a-t-il ajouté.

Le Centre financier international de Dubaï (DIFC), véritable «city» offshore ouverte en 2004, se présente sur son site internet comme «le centre financier international qui connaît la croissance la plus rapide au monde». Il ambitionne d'avoir le même statut que les places financières de New York, de London et de Hong Kong.

Outre la Bourse locale, Dubai Financial Market, l'émirat accueille aussi Nasdaq Dubai.

Le groupe Borse Dubai détient 22% dans London Stock Exchange et 19,9% dans Nasdaq OMX, propriétaire de la Bourse électronique américaine Nasdaq et de plusieurs marchés boursiers de pays européens.

«Alors que l'économie mondiale connaît des changements fondamentaux et des réajustements, le DIFC est en passe de s'imposer comme un important acteur mondial dans les années à venir», déclarait récemment David Eldon, président de l'Autorité de DIFC, au cinquième anniversaire de son établissement.

Le DIFC a alors annoncé une croissance annuelle de 127% de ses activités, sans donner de détails.

Mais l'évolution de l'indice de la Bourse locale est totalement différente: il a culminé à 6.000 points il y a deux ans, avant de commencer à dégringoler, sous l'effet de la crise financière mondiale de l'an dernier, pour tomber sous les 1500 points.

Mercredi, dernier jour ouvrable de la semaine, l'indice a clos à 2070,89 points, en hausse de plus de 40% par rapport au début de l'année en cours mais toujours loin de son plus haut.

Les autorités de Dubaï ont choisi d'annoncer, à la veille de quatre jours fériés pour l'Aïd Al-Adha, la fête musulmane du Sacrifice, que son conglomérat demandait un moratoire d'au moins de six mois sur sa dette.

La Bourse avait fermé juste avant cette annonce.

Le manque de confiance des investisseurs internationaux dans l'émirat est aggravé par la difficulté d'obtenir des informations sur la manière dont Dubaï va résoudre le problème de sa dette.

«Le processus de prise de décision (...) constitue une source de grande inquiétude», a indiqué Cubillas Ding, ajoutant que «la transparence est importante».

Le moratoire envisagé concerne le paiement, prévu le 14 décembre, de 3,5 milliards de dollars d'obligations islamiques par le géant immobilier Nakheel-- qui a construit Palm Jumeirah, une île artificielle en forme de palmier--, l'une des compagnies de Dubai World.

Sur une dette publique de l'émirat de quelque 80 milliards de dollars, Dubai World en supporte à lui seul 59 milliards de dollars.

Cheikh Ahmed ben Saïd al-Maktoum, chef de la Commission suprême fiscale de Dubaï, a publié jeudi un communiqué pour tenter de rassurer les investisseurs.

«Le gouvernement dirige la restructuration de cette opération commerciale en parfaite connaissance de la manière dont les marchés vont réagir», écrivait-il, ajoutant que «de plus amples informations seront fournies la semaine prochaine».

Mais ce flou inquiète les investisseurs.

«A mon avis, (il) n'a tout simplement pas répondu aux questions que se pose le marché», estime Kit Juckes du groupe financier ECU, basé à Londres.