Le gouvernement français, qui multiplie à grand renfort de déclarations publiques ses stratégies contre l'évasion fiscale, fait pression sur les entreprises du pays pour les inciter à réduire leurs activités dans les territoires «non coopératifs».

Dans un communiqué publié en début de semaine, le ministère des Finances prévient qu'il entend instaurer des «mesures de rétorsion» contre les paradis fiscaux et leurs utilisateurs de manière à les rendre «moins attractifs».

L'État français promet notamment de durcir les règles contre la «localisation artificielle» de bénéfices dans les paradis fiscaux, un stratagème souvent utilisé par les grandes entreprises qui manipulent les prix de transfert entre filiales pour réduire les impôts à payer sur leurs bénéfices.

Les pressions exercées par le gouvernement ne sont pas étrangères à la décision prise la semaine dernière par BNP-Paribas, l'une des principales banques européennes, qui a annoncé qu'elle fermera ses filiales dans les pays figurant sur la liste «grise» de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).

La liste en question, élaborée dans la foulée du G20 de Londres, inclut les pays qui n'ont pas signé au moins 12 ententes bilatérales de coopération bancaire, un critère jugé peu contraignant par les organisations luttant contre l'évasion fiscale.

Le directeur général de l'entreprise, Baudouin Prot, a précisé que la décision de l'entreprise se traduirait par la fermeture d'une «demie-douzaine» de sociétés réparties au Panama, aux Bahamas, au Costa Rica et en Uruguay.

Il a indiqué, à l'appui de cette décision, que les banques françaises devront bientôt préciser, dans leur rapport annuel, des informations sur leur niveau d'activité dans les pays non coopératifs en matière fiscale.

Hier, la Fédération bancaire française a indiqué que les autres établissements membres de l'organisation emboîteraient le pas d'ici mars 2010.

Selon le quotidien Le Monde, BNP Paribas est considérée comme «la championne française des paradis fiscaux» en raison du fait qu'elle détient près de 200 filiales dans des pays laxistes sur ce plan.

L'établissement financier a récemment été pris à parti par l'eurodéputé Pascal Canfin, qui presse l'entreprise de «justifier de son activité» dans ces territoires.

Son parti, Europe-Écologie, qui a récemment fait son entrée au Parlement européen, souhaite que les multinationales soient tenues de déclarer leurs revenus pays par pays de manière à permettre aux autorités de déceler plus facilement les tentatives d'évasion fiscale.

Cette demande de transparence accrue était également incluse dans une lettre transmise au président Barack Obama en prévision du sommet du G20 tenu la semaine dernière à Pittsburgh, aux États-Unis.

Les signataires, une centaine d'élus français et allemands, demandent que les entreprises soient tenues de préciser, pour chaque pays d'implantation, le montant des actifs détenus, le chiffre d'affaires réalisé, le nombre de personnes employées, les profits obtenus et les impôts payés.

Ils souhaitent par ailleurs que tous ces territoires soient contraints de divulguer automatiquement les noms des individus et des entreprises qui viennent faire des affaires chez eux.

Le communiqué final du G20, tout en réitérant l'engagement des pays membres à lutter contre l'évasion fiscale, ne prévoit aucune disposition particulière contre les entreprises.

Un collectif d'associations et de syndicats qui viennent de lancer une campagne de sensibilisation à ce sujet déplore que l'organisation internationale s'en prenne aux paradis fiscaux sans cibler les «grands utilisateurs» que sont les entreprises.

Le manque d'attention accordé à cette question suggère «que les multinationales ont une oreille plus attentive des dirigeants du G20 que les particuliers», commente Jean Merckaert, spécialiste de la finance du Comité catholique contre la faim et pour le développement. Nombre d'États craignent d'aller trop loin en matière de répression pour ne pas miner la compétitivité des firmes nationales.

Une récente étude de la revue Alternatives économiques indiquait que toutes les entreprises françaises considées dans le CAC40, principal indice boursier du pays, sont «fortement» implantés dans des territoires appliquant des règlementations laxistes en matière fiscale.

La problématique dépasse évidemment de loin l'Hexagone, souligne M. Merckaert, qui relève une récente étude montrant qu'une vaste majorité de sociétés américaines ont des filiales de même nature.