Les États-Unis, en n'hésitant pas à entrer en conflit ouvert avec la Chine sur les questions de commerce international, privilégient la sauvegarde de leur industrie plutôt que des relations harmonieuses avec Pékin.

Le président Barack Obama a signé vendredi un décret imposant des droits de douane sur les importations de pneus en provenance de Chine, destinés à compenser leur augmentation anormale selon Washington.

Cette décision, très attendue, n'a pas surpris. Depuis son entrée en fonctions en janvier, l'administration américaine a maintes fois prévenu qu'elle ferait valoir ses droits si elle repérait une entorse au libre échange.

Deux jours avant la décision sur les pneus, elle avait annoncé mercredi des droits de douane sur les tubes pour l'industrie pétrolière importés de Chine, qui bénéficient de subventions selon elle.

«Enfin un président qui a le cran de faire respecter les règles du commerce international», s'est réjoui Leo Gerard, président du syndicat USW, un des principaux syndicats ouvriers des États-Unis qui avait réclamé à l'origine cette décision.

Pour la classe ouvrière américaine, alliée traditionnelle du parti démocrate, l'industrie américaine ne cesse de perdre des emplois parce qu'elle joue contre un adversaire déloyal.

«Les États-Unis sont dans leur bon droit», a d'ailleurs relevé Peter Morici, professeur à l'Université du Maryland et ancien économiste en chef de la Commission américaine au commerce extérieur, interrogé par l'AFP.

«L'accord d'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce signé avec les États-Unis leur permet d'imposer des droits de douane provisoires si un secteur est touché par un bond des importations depuis la Chine», précise-t-il.

La Chine a immédiatement porté plainte devant l'OMC, brandissant elle aussi les règles du libre échange.

Ces tensions viennent moins de deux mois après un «dialogue stratégique et économique» entre les deux puissances à Washington, où elles s'étaient efforcées de souligner leurs intérêts communs, et à une dizaine de jours d'un sommet du groupe des pays riches et émergents du G20 aux États-Unis.

Des économistes américains doutaient du bien-fondé de ces droits de douane, qui s'élèveront à 35% la première année, 30% la deuxième et 25% la troisième.

Greg Mankiw, professeur d'économie à Harvard, s'est plaint sur son blogue d'«une victoire pour les protectionnistes» qui doit «apaiser» des syndicats importants pour la réforme de la santé défendue par M. Obama.

M. Morici a déploré «un pansement face aux symptomes d'un plus vaste problème», dont principalement «la sous-évaluation de la monnaie chinoise».

Bradford DeLong, de l'Université de Berkeley, qualifiait la décision de «stupide», estimant que «la Chine ne fait rien de mal» en vendant des pneus aux États-Unis, et qu'il s'agissait d'une «idée vraiment mauvaise pour les consommateurs américains».

Bien qu'en difficulté, les producteurs américains, comme Goodyear qui en est à trois trimestres consécutifs de pertes, n'étaient pas demandeurs.

En 2008, la Chine a exporté 337,8 milliards de dollars de biens et services vers les États-Unis, plus que tout autre pays au monde, selon les chiffres du département américain du Commerce.