La rivalité commerciale entre la Chine et les États-Unis s'est enrichie de deux nouveaux chapitres cette semaine, comme un rappel que la relation entre les deux grandes puissances économiques évolue encore entre mésententes et bénéfices.

«Il y a des difficultés assez manifestes dans les relations commerciales entre les deux pays», observe Pierre Martin, professeur de science politique et directeur de la Chaire d'études politiques et économiques américaines de l'Université de Montréal.

Mais en même temps, la Chine a besoin du marché américain. Et les États-Unis bénéficient de produits chinois à bon marché, à un tel point que certains soutiennent que cela a permis de mieux contrôler l'inflation américaine.

«De temps en temps, la relation entre les deux pays présente de belles opportunités d'affaires, explique le politologue spécialiste de la Chine, Loïc Tassé. Mais de temps en temps, elle est source de rivalités très profondes.»

Ces rivalités ont refait surface cette semaine.

La Chine s'en prend au dollar

Hier, la Banque populaire de Chine a réitéré son souhait de voir apparaître une nouvelle devise internationale qui remplacerait le dollar américain en tant que monnaie par excellence des réserves des pays. Un tel changement causerait une forte dépréciation du dollar américain, qui constituait à la fin de 2008 environ 64% des réserves des banques centrales.

«Les Chinois veulent remplacer les États-Unis comme première puissance mondiale, dit Loïc Tassé. Et un des enjeux est de détrôner le dollar américain. À long terme, la Chine aimerait que le yuan devienne la nouvelle référence, et elle a déjà conclu des ententes avec d'autres pays pour faire des échanges en monnaie locale.»

Mais la menace d'une nouvelle monnaie sonne creux, estime Pierre Martin. «Cela porterait un dur coup au dollar américain, mais ça coûterait très cher à la Chine, qui détient beaucoup de dollars américains. Ce n'est pas dans leur intérêt.»

Attaque à l'OMC

Plus tôt cette semaine, les États-Unis ont déposé une nouvelle plainte contre la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) - les États-Unis ont été impliqués dans toutes les plaintes portées contre la Chine depuis son entrée à l'OMC en 2001.

Washington accuse Pékin de restreindre les exportations chinoises de matières premières stratégiques. Cela permettrait aux entreprises chinoises de mettre la main sur des ressources à des prix inférieurs aux prix du marché international.

«Nous sommes extrêmement inquiets devant ce qui semble être une politique consciente qui crée des préférences injustes en faveur de l'industrie chinoise», a déclaré le représentant américain au Commerce, Ron Kirk.

L'Union européenne a aussi déposé un recours à l'OMC pour ces mêmes restrictions, qui prennent la forme de quotas, de droits ou de prix minimums à l'exportation sur certaines matières premières comme le zinc, la bauxite, le magnésium ou le manganèse.

«Les restrictions chinoises sur les matières premières sont une distorsion à la concurrence et augmentent les prix mondiaux», a déploré la commissaire européenne au Commerce, Catherine Ashton.

Le ministère chinois du Commerce a rétorqué que la nécessité de protéger l'environnement expliquait les restrictions à l'exportation des ressources naturelles, et que ces restrictions étaient conformes aux règles de l'OMC. Pékin a aussi accéléré l'action lancée à l'OMC contre la loi américaine qui limite les importations de poulets chinois cuisinés, rapporte le journal économique français La Tribune.

La question des ressources naturelles est critique dans les relations sino-américaines. Pour les Chinois, il est important de sécuriser les prix et l'accès aux ressources pour le marché intérieur, note Loïc Tassé.

La Chine accumule aussi des réserves de ressources, notamment du pétrole, pour stabiliser les prix sur son marché intérieur, ce qui ne plaît pas aux pays occidentaux.

Parallèlement, le poids économique de la Chine devient une source de concurrence pour les États-Unis. «La Chine est considérée comme l'adversaire potentiel à long terme auquel il faut porter attention», note Pierre Martin.

La Chine peut compter sur un fonds souverain d'au moins 200 milliards de dollars, des réserves de devises de 2000 milliards, et un secteur de l'innovation en plein boom. «Les Occidentaux n'aiment pas que la Chine ait les moyens de jouer dans la cour des grands», dit Loïc Tassé.