L'imprimeur Quebecor World a franchi une étape cruciale vers la fin prochaine de sa protection de faillite, avec l'appui majoritaire de ses créanciers canadiens à son plan de restructuration.

Ce vote positif a été obtenu lors d'une assemblée extraordinaire convoquée hier dans un hôtel du centre-ville de Montréal, à la suite d'un délai inopiné, jeudi dernier.«L'assemblée s'est déroulée sans surprise, dans les circonstances» a commenté un avocat qui représentait des créanciers, à la sortie de la réunion.

Mais parmi les dirigeants de l'imprimeur, on préférait la discrétion avant le résultat d'un autre vote crucial: celui des créanciers américains, attendu en soirée hier.

De l'avis général, cependant, on s'attendait aussi à un vote positif parmi ces 6000 créanciers au sud de la frontière. Au Canada, 2000 créanciers avaient droit de vote, qu'ils ont exercé en majeure partie par procuration.

Par conséquent, à moins d'embûches imprévues, Quebecor World prévoit se présenter en justice le 30 juin pour l'approbation finale de son plan de restructuration de bilan, à Montréal et aux États-Unis.

Ensuite, l'imprimeur prévoit émerger de la protection de faillite vers la mi-juillet. Cette période avait débuté en janvier 2008, il y a 18 mois, après l'échec d'un plan spécial de recapitalisation qui impliquait son principal actionnaire d'alors: Quebecor inc.

Depuis, l'entreprise dirigée par Pierre Karl Péladeau, l'un des fils du fondateur de Quebecor World, a largué sa filiale d'imprimerie.

D'ailleurs, les deux entreprises sont en litige contractuel pour des dizaines de millions de dollars. Aussi, Quebecor World a été intimé par son ex-actionnaire de changer de nom.

C'est d'ailleurs ce que l'imprimeur annoncera d'ici peu, après la confirmation des votes de ses créanciers.

Le nouveau nom attendu est Novink, selon ce que La Presse Affaires a constaté au registre fédéral des marques de commerce.

Espoir

Entre-temps, des intervenants d'affaires de Quebecor World disent espérer le déploiement réussi de son plan de restructuration de bilan et de sortie d'insolvabilité.

«Au moins, avec ce plan, nous obtenons une partie de notre dû au lieu de tout perdre. Aussi, tout indique qu'il y a une continuité d'affaires, ce qui est tout aussi important pour nous», a commenté Keith Findlay, directeur de Brymag Transport, à la sortie de l'assemblée des créanciers.

Ce transporteur, qui réclame un peu plus d'un million de dollars de l'imprimeur insolvable, livre les circulaires publicitaires imprimées par Quebecor World pour des détaillants d'importance.

Comme la plupart des créanciers, Brymag Transport obtiendra un recouvrement partiel réglé avec de nouvelles actions à émettre par l'imprimeur, selon son plan de restructuration de près de trois milliards de passif.

Chez les employés de Quebecor World, on souhaite aussi une fin favorable à la protection de faillite.

«Nous espérons un vote positif des créanciers afin de sortir notre employeur d'une situation très difficile. Pour notre part, nous avons déjà fait beaucoup d'efforts et de concessions pour la survie de l'entreprise», a commenté Stéphane Lacroix, porte-parole du syndicat des Teamsters, qui est l'un des principaux représentants de salariés de Quebecor World au Canada.

Lors de sa déclaration d'insolvabilité, en janvier 2008, les salariés de l'imprimeur subissaient déjà les effets d'une rationalisation majeure, déclenchée quelques mois auparavant.

Plusieurs imprimeries ont été fermées, dont celle de Magog en Estrie, ce qui fit grand bruit en raison de son statut d'usine-modèle au Québec, aménagée sur mesure par son défunt fondateur, Pierre Péladeau.

Selon la circulaire remise à ses créanciers, Quebecor World regroupe 18 800 salariés répartis entre 87 lieux d'affaires aux États-Unis, au Canada et en Amérique latine.

Mais il y a trois ans, avant une rationalisation majeure, l'imprimeur avait 28 800 employés répartis entre 127 lieux d'affaires dans les Amériques et en Europe.

Le chemin de croix de Quebecor World

2007

Été/automne

Rationalisation pour réduire les pertes de l'entreprise: imprimeries et ateliers fermés, licenciements par centaines.

20 novembre

Échec d'un financement de 750 millions.

17 décembre

Démission du président et chef de la direction, Wes Lucas. Jacques Mallette, vice-président et chef financier, lui succède.

19 décembre

Autres baisses de cotes de crédit par Moody's et Standard&Poors, qui citent le risque accru de défaut de paiement sur des titres de dette.

2008

10 janvier

Face à un butoir bancaire de 125 millions, plan de capitalisation de 400 millions par l'actionnaire principal, Quebecor Inc., et le fonds Tricap/Brookfield de Toronto.

20 janvier

Panne de liquidités après l'échec du plan Quebecor/Tripap/ Brookfield.

21 janvier

Mise sous protection de faillite au Canada, protection similaire de «chapitre 11» aux États-Unis. Amorce d'une restructuration de 3 milliards US de passif.

Quebecor inc. largue sa filiale d'imprimerie en y radiant son capital et lui ordonnant de changer de nom.

30 janvier

Retrait des actions de la Bourse de New York.

17 décembre

Démission des membres du conseil qui représentaient Quebecor inc., dont Pierre Karl et Érik Péladeau, les fils du fondateur.

2009

27 mars

Diffusion tardive des résultats de fin 2008: baisse de revenus de 16% au 4e trimestre et 14% pour l'exercice.

mi-avril

Plan de restructuration de bilan convenu avec les principaux créanciers. La Bourse de Toronto retire les actions.

12 mai

Offre d'achat non sollicitée de 1,35 milliard US par son principal concurrent américain, R.R. Donnelley.

14 mai

Résultats du 1er trimestre: baisse de revenus accentuée à 25%, mais perte réduite d'un tiers à 125,9 millionsUS.

8-10 juin

R.R. Donnelley bonifie son offre à 1,55 milliard US, encore rejetée par Quebecor World. R.R. Donnelley se désiste.

18 juin

Report soudain du vote des créanciers sur le plan de restructuration de bilan.

22 juin

Fin retardée du vote des 8000 créanciers au Canada et aux États-Unis.

30 juin

Présentation en Cour du vote des créanciers et, s'il y a lieu, obtention du feu vert à la restructuration de bilan.

mi-juillet

Fin prévue de la protection de faillite, et début de restructuration de bilan sous un nouveau nom: Novink.

Sources: Quebecor World, syndic Ernst&Young.