Un homme portant des chaussures noires impeccablement cirées se tient en équilibre précaire sur le rebord du toit d'un gratte-ciel.

L'image, utilisée dans la presse londonienne pour accompagner un article sur l'économie anglaise, illustre, par l'extrême, les difficultés éprouvées par le gouvernement de Gordon Brown.

L'agence de cotation Standard and Poor's, dans un avis qui a eu l'effet d'un coup de canon, a prévenu la semaine dernière qu'elle pourrait retirer au pays sa note de crédit AAA en raison de la détérioration des finances publiques.

«Même en assumant des restrictions fiscales additionnelles... la dette gouvernementale nette pourrait s'approcher de 100% du produit intérieur brut et demeurer à ce niveau à moyen terme», ont prévenu les analystes de l'agence, qui attribue sa note maximale aux pays honorant toujours leurs dettes.

La mise en garde était prévisible au dire d'un chroniqueur du Daily Telegraph, Simon Heffer, qui parle d'une dette «massive, insoutenable, susceptible de plonger le pays en faillite». «Les investisseurs potentiels devaient être avisés de la situation», a indiqué le journaliste, qui s'inquiète de l'introduction possible de nouveaux impôts pour compenser le manque à gagner.

«Ce serait un trou dans la tête dont nous n'avons tout simplement pas besoin», a relevé M. Heffer, qui réclame le départ de M. Brown.

Le dirigeant britannique peut se consoler, un brin, en prenant acte du fait qu'il est loin d'être seul à naviguer en eau trouble par les temps qui courent.

En témoigne notamment le fait que quatre autres pays - l'Irlande, la Grèce, l'Espagne et le Portugal - ont récemment subi des décotes en raison de l'état de leurs comptes publics. Il ne reste plus qu'une demi-douzaine de pays européens disposant de la note AAA.

«Tous les pays sont plus ou moins menacés (de décote) dans le contexte actuel», souligne Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Pour endiguer la crise, la quasi-totalité des États de la zone ont mis de l'avant de coûteux plans de relance, incluant de généreuses mesures de soutien aux banques, qui pèsent lourdement sur les finances publiques.

Le ralentissement économique réduit parallèlement les rentrées d'argent des gouvernements, qui doivent emprunter massivement pour financer leurs opérations.

Dans le contexte actuel de «défiance généralisée», nombre d'investisseurs privés sont prompts à se tourner vers les obligations étatiques, limitant le coût à payer en terme d'intérêts, souligne M. Plane. La donne risque cependant de changer dans les années qui viennent lorsque les capitaux recommenceront à affluer vers le secteur privé.

La pression se fera plus forte pour réduire les dépenses publiques, limitant d'autant les perspectives de croissance.

«On risque fort de passer d'une crise qui se voulait conjoncturelle à une crise structurelle», prévient l'économiste de l'OFCE, qui ne prévoit pas un retour à la croissance sur le continent avant le second trimestre de 2010.

Plusieurs pays, en particulier en Europe de l'Est, sont déjà obligés de réduire dans leurs dépenses pour rétablir leur bilan. C'est le cas notamment de l'Ukraine, de la Lettonie et de la Hongrie, qui ont dû faire appel au Fonds monétaire international pour éviter la déroute complète.

Ces coupes, alors que flambe le chômage, risquent d'augmenter les tensions sociales. Une évidence rappelée il y a quelques jours par le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick.

«Si l'on ne prend pas de mesures, il existe un risque d'arriver à une grave crise humaine et sociale avec des implications politiques très importantes», a-t-il déclaré la fin de semaine dernière.

 

PALMARÈS DES PAYS DONT LADETTE SOUVERAINE EST CLASSÉE AAA PAR STANDARD & POOR'S

1 Suisse

2 Norvège

3 Luxembourg

4 Allemagne

5 Pays-Bas

6 Finlande

7 Danemark

8 Canada

9 France

10 Suède

11 Autriche

12 Singapour

13 Royaume-Uni

14 États-Unis

15 Australie