Un sérieux avertissement a été lancé jeudi au vainqueur de la prochaine élection générale britannique par l'agence de notation Standard & Poor's, qui a menacé d'abaisser la note de crédit «AAA» du pays, la meilleure possible, si des engagements n'étaient pas pris pour restaurer l'état des finances publiques.

S&P, une des trois grandes agences mondiales de notation des dettes souveraines (dettes des pays), a attribué une «perspective négative» à cette note de crédit de long terme, ainsi qu'à la note court terme.

Une note de crédit élevée garantit au créancier le remboursement de son prêt, et permet à l'emprunteur d'obtenir des taux d'intérêt moins élevés.

S&P, qui souligne que la mise sous perspective négative n'engendre pas forcément une dégradation future de la note, a indiqué fonder sa décision sur la crainte de voir la dette publique «approcher 100% du produit intérieur brut (PIB) en 2013, et se maintenir autour de ce niveau à moyen terme», «ce qui est incompatible avec un triple A».

Constamment maintenue sous 40% du PIB par les travaillistes depuis 1997, la dette s'est envolée depuis 2008 avec la nationalisation de la banque Northern Rock, suivie par un plan de sauvetage du secteur bancaire particulièrement coûteux à l'automne, comprenant la nationalisation partielle de Royal Bank of Scotland et HBOS.

S&P, évoquant les prochaines élections générales prévues d'ici à la mi-2010, indique que ses notes pourraient être officiellement abaissées «si nous pensons qu'après le scrutin, les projets de consolidation budgétaire du prochain gouvernement ne sont pas en mesure de mettre la dette sur une pente baissière à moyen terme».

L'agence ramènerait en revanche la perspective à stable si «des mesures complètes» était mises en place pour redresser les finances publiques.

 Le responsable des Finances pour le parti conservateur George Osborne a estimé que le gouvernement «faisait courir des risques à la stabilité économique du pays» et appelé à une élection immédiate.

Par ailleurs, Ian McCafferty, économiste de la CBI, principale organisation patronale du pays, a estimé «qu'avec la taille du marché des obligations qui devrait doubler sur les années à venir (pour financer l'économie, ndlr), le gouvernement court un risque avec la bonne volonté des investisseurs à financer la dette britannique».

Il a appelé à sabrer les dépenses du secteur public.

Le porte-parole du Premier ministre Gordon Brown a assuré que «la détermination du gouvernement à assurer des finances publiques viables à moyen et long terme était absolue», tout en excluant des mesures drastiques immédiates.

Le secrétaire d'Etat au Trésor Stephen Timms a souligné qu'une émission de bons du Trésor de 5 milliards de livres (5,6 milliards d'euros) avait été sursouscrite deux fois, signifiant selon lui la confiance des investisseurs.

L'annonce de S&P a porté un coup aux marchés britanniques. La livre, bien portante récemment, a plongé face à l'euro et au dollar avant de se reprendre en fin de journée. Le Footsie-100 a fini en baisse de 2,75%.

L'agence concurrente, Moody's, a dit ne pas songer à imiter S&P actuellement. Mais pour Giles Lee, de CMC Markets, «beaucoup se demandent si les agences de notation vont faire avec les Etats-Unis» ce que S&P a fait avec le Royaume-Uni.

Deux autres «triple A», l'Espagne et l'Irlande, ont déjà vu leur note abaissée par S&P, qui a aussi abaissé les notes de la Grèce, du Portugal, et de l'Islande notamment.

Les «triple A» de S&P sont 18 : Allemagne, Australie, Autriche, Canada, Danemark, Etats-Unis, Finlande, France, Ile de Man, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Singapour, Suède et Suisse.