La vie pourrait bientôt devenir plus compliquée pour les riches contribuables qui planquent, dans les paradis fiscaux, des sommes considérables.

Les chefs d'État du G20 rivalisent de fermeté depuis des semaines dans leurs déclarations à ce sujet, au point de pousser certains des pays identifiés diplomatiquement comme des territoires «non coopératifs» à amender d'eux-mêmes leurs façons de faire.

 

Par crainte de se retrouver sur une «liste noire» mise à jour par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), voire même de subir des sanctions, des États ont accepté d'ouvrir une brèche dans leur sacro-saint secret bancaire.

C'est le cas notamment du Liechtenstein, qui est actuellement en train de négocier avec la Grande-Bretagne une entente devant permettre aux ressortissants anglais détenant des comptes secrets de le divulguer sur une base «volontaire». Elle pourrait servir de modèle à d'autres ententes bilatérales de même nature.

Le petit pays avait été placé sous les projecteurs l'année dernière après que le fisc allemand eut récupéré un disque contenant des données sur plusieurs centaines de ressortissants étrangers dotés de comptes secrets. La liste incluait notamment une centaine de Canadiens.

La Suisse a aussi fait des concessions, révisant sa politique traditionnelle de refuser tout échange d'information bancaire relativement à des cas présumés d'évasion fiscale. L'État européen a été secoué récemment lorsque la banque UBS a accepté sous pression du fisc américain de divulguer l'identité d'une centaine de riches Américains disposant de comptes non déclarés.

Des accusations de «trahison» ont accueilli en terre helvète la décision de l'établissement, qui se voit maintenant sommé par les autorités américaines de divulguer des renseignements sur plusieurs milliers d'autres clients.

Carlo Lombardini, avocat d'affaires suisse bien informé des pratiques bancaires en vigueur dans le pays, pense que le gouvernement doit demeurer ferme face aux pressions. «Il faut avoir le courage de suivre les politiques qui sont bonnes pour les Suisses même si elles sont impopulaires à l'étranger», dit-il.

M. Lombardini estime que cette attitude de fermeté est d'autant plus justifiée que plusieurs États critiquant son pays font preuve d'une «hypocrisie totale» en omettant de faire leur propre autocritique. «Si l'Inde demande au gouvernement anglais de donner les noms de riches ressortissants indiens qui ont des comptes de banque en territoire anglais, ils ne vont rien divulguer», dit-il.

Selon lui, l'attention accordée aux paradis fiscaux vise à détourner les yeux des véritables problèmes. «Les banques ont fait n'importe quoi pendant des années sous les yeux de régulateurs qui n'ont rien fait. C'est ça la vraie cause de la crise», dit M. Lombardini.

Les organisations altermondialistes qui réclament depuis des années une action concertée contre les paradis fiscaux pensent de leur côté que les réformes en cours ne vont pas assez loin.

«Ça va dans le bon sens, mais c'est totalement insuffisant... Il faut des mesures beaucoup plus drastiques», souligne le professeur d'économie Dominique Plihon, membre du comité scientifique de la section française d'ATTAC

Contrairement à M. Lombardini, M. Plihon est convaincu que ces territoires constituent un rouage important de la crise en cours.

«Une grande part des acteurs de la crise, comme les fonds spéculatifs, utilisent les paradis fiscaux... Ils forment des rouages indispensables du système bancaire occulte auquel il faut s'attaquer non seulement pour des raisons de moralité, mais aussi d'efficacité», dit-il.