En Malaisie, les usuriers disposent d'une nouvelle «arme» pour amener des emprunteurs récalcitrants à payer leurs dettes: de belles femmes.

«Elles viennent à votre bureau ou chez vous et elles s'assoient» pour vous faire honte et vous amener à payer, raconte Michael Chong, 60 ans, qui a travaillé pendant deux décennies comme médiateur entre les prêteurs illégaux et leurs débiteurs. «Si elles viennent chez vous, elles attendent dehors et font tout un boucan, et vous ne pouvez pas les maltraiter», ajoute-t-il.

 

Cette nouvelle formule s'ajoute aux méthodes traditionnelles pour amener les débiteurs à payer, comme les mettre dans une cage, maculer leur maison de peinture rouge ou leur briser des os, explique M. Chong, chef des services publics et du bureau des plaintes de l'Association malaise-chinoise, deuxième parti politique en importance de la coalition au pouvoir en Malaisie.

Pénurie de crédit

La pénurie de crédit bancaire incite plus de gens à se tourner vers les usuriers, et cela se traduit par un nombre croissant d'emprunts qui ne sont pas honorés, indique M. Chong, qui a négocié l'an dernier pour un record de 56,6 millions de ringgit (19,4 millions de dollars canadiens) de dettes et qui s'attend à ce que le total de cette année soit supérieur. Cette situation force les prêteurs à recourir à de nouvelles méthodes pour recouvrer les dettes, dit-il.

Les pertes d'emplois ont bondi de 67% au cours du dernier trimestre de l'an dernier en Malaisie, à 24 033, tandis que la récession mondiale a poussé le nombre de faillites à un sommet depuis trois ans.

Ce mois-ci, le gouvernement a annoncé un programme de stimulants de 60 milliards de ringgit (20,5 milliards de dollars) tout en prédisant que l'économie du pays pourrait subir un repli cette année, ce qui serait une première en 10 ans.

Les approbations de prêts par les banques ont diminué pour le cinquième mois de suite en janvier.

«Lorsque l'offre manque, les gens vont chercher d'autres solutions», explique Nazir Razak, patron de Bumiputra-Commerce Holdings, deuxième banque en importance de Malaisie.

Selon M. Chong, les amateurs de jeux d'argent forment traditionnellement environ 80% des clients des usuriers. Mais par les temps qui courent, le ralentissement économique pousse de plus en plus d'entreprises, comme des sous-traitants dans le secteur de la construction, à chercher à obtenir des prêts illégaux, indique M. Chong, qui a subi une dislocation de l'épaule en 1990 parce qu'un usurier n'appréciait guère qu'il se mêle de ses affaires.

Les usuriers exigent des intérêts de 10% par semaine pour certains prêts, précise Nadzim Johan, secrétaire de l'Organisation des consommateurs musulmans de Malaisie, à qui on a soumis 100 cas l'an dernier et qui s'attend à en traiter le double cette année.

La plupart des emprunteurs se tournent vers ces prêteurs illégaux parce qu'ils ont besoin d'argent rapidement alors que les banques peuvent mettre des mois à approuver un prêt, avance M. Chong.

Plus de 100 000 personnes en Malaisie sont «prisonnières» d'usuriers en Malaisie selon l'agence d'information Bernama.