Après avoir misé, sans succès, sur «l'autorégulation», le gouvernement français a décidé de prendre les grands moyens pour limiter la rémunération variable des dirigeants des entreprises soutenues par l'État.

Le secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, a annoncé hier qu'un décret devrait être adopté «dès la semaine prochaine» pour interdire l'attribution options d'achat d'actions, de bonus et de parachutes dorés par les firmes renflouées avec des fonds publics.

 

«Il n'est pas question que l'argent des contribuables serve à ce que certains patrons ou cadres dirigeants récupèrent pour eux-mêmes de l'argent», a déclaré le porte-parole du parti de la majorité, Frédéric Lefebvre, en précisant que ces pratiques seraient bientôt interdites.

La décision d'intervenir par voie législative a été prise mercredi lors d'une réunion à l'Élysée à laquelle prenaient part le président Nicolas Sarkozy et plusieurs des principaux ministres responsables de l'économie.

Elle survient alors que ne cessent de se multiplier les cas embarrassants pour le gouvernement, qui essuie des critiques similaires à celles suscitées aux États-Unis par l'annonce de versements de bonus substantiels aux dirigeants de l'assureur AIG.

La semaine dernière, un véritable bras de fer s'est engagé avec les hauts dirigeants de la Société générale après qu'il eut été révélé que l'établissement bancaire avait décidé d'attribuer des options de plusieurs millions de dollars à ses hauts dirigeants.

La ministre de l'Économie, Christine Lagarde, a dénoncé avec virulence cette initiative et souligné qu'il était «grand temps que Société générale rime un peu plus avec intérêt général».

Après avoir déclaré, en réaction à la fronde, qu'ils renonceraient temporairement à empocher les gains liés aux options, les administrateurs se sont finalement résignés à y renoncer purement et simplement.

L'annonce, il y a quelques jours, du versement d'un parachute doré de près de cinq millions de dollars à l'ex-PDG de la firme Valeo a suscité une autre levée de boucliers il y a quelques jours. Le fabriquant de composants automobiles, qui a reçu plus de 20 millions de dollars de l'État, a annoncé récemment son intention de sabrer 1600 emplois.

Le gouvernement pourrait aller encore plus loin puisque l'Élysée pressait depuis des mois le Medef, principale association patronale du pays, de lui suggérer des pistes pour limiter la rémunération des dirigeants d'entreprise qui font des mises à pied «d'ampleur» ou qui utilisent «massivement» le chômage technique. Qu'ils aient ou non sollicité l'aide financière du gouvernement.

Dans une lettre transmise au début de la semaine, l'organisation a rétorqué qu'elle n'était pas en mesure d'imposer quoi que ce soit à ses membres.

«Je n'ai pas le pouvoir et je n'ai pas le désir de l'avoir», a déclaré la présidente du Medef, Laurence Parisot, qui ne prise guère les intentions interventionnistes de l'État même si elle juge «compréhensible» d'imposer certaines contraintes aux entreprises aidées.

En octobre dernier, Mme Parisot avait présenté aux médias un «code de gouvernance» censé inciter les entreprises à faire preuve de modération en matière de rémunération. Elle avait précisé que la question n'avait «rien à voir» avec la crise économique en cours.

Quoi qu'il en soit, la rémunération des dirigeants d'entreprise trouve un large écho dans la population, très inquiète face à la montée du chômage. Une étude diffusée cette semaine démontre que les Français n'ont jamais été aussi pessimistes, en 30 ans, sur les perspectives d'évolution de leur niveau de vie.

Cette sensibilité se reflète dans le comportement des syndicats, qui réagissent avec de plus en plus de véhémence aux annonces de bonus.

L'actualité en a donné un nouvel exemple hier, lorsque des employés de GDF-Suez, détenu en partie par l'État français, ont décidé de bloquer un port méthanier. Ils réagissaient à l'annonce de l'attribution d'options d'une valeur de près de 15 millions de dollars à deux hauts dirigeants de l'entreprise.

Finalement, les deux cadres ont fait savoir en milieu d'après-midi qu'ils renonçaient «par responsabilité» à ce privilège.