Les Européens ne cessent de dénoncer les tentations de protectionnisme de Washington face à la crise, menaçant de faire du commerce leur premier sujet de querelle avec l'équipe de Barack Obama.

«Nous devons éviter le protectionnisme», a prévenu mardi la chancelière allemande Angela Merkel à l'adresse des États-Unis.

Cette réaction s'ajoute à d'autres protestations ces derniers jours, après que le Congrès américain a proposé d'inclure dans le plan de relance économique de Barack Obama une clause clairement protectionniste. Un plan encore en discussion au Sénat.

Cette clause, dite «Buy American» («Achetez américain»), propose d'interdire l'achat de fer ou d'acier étranger pour les projets d'infrastructures que financerait le plan de relance, à moins que l'offre d'acier américain ne suffise pas ou que son prix augmente la facture finale de plus de 25%.

Cette disposition a été largement considérée par les Européens comme une violation des règles du libre-échange et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

L'ambassadeur de l'UE à Washington, John Bruton, a indiqué lundi à l'AFP avoir écrit une lettre aux responsables du Congrès et au gouvernement américain à ce sujet.

«Nous considérons que cette législation établit un précédent très dangereux, à un moment où le monde fait face à une crise économique mondiale», a-t-il dit.

Déjà, la Commission européenne avait prévenu qu'elle ne resterait pas «les bras croisés à ne rien faire» si la clause était retenue dans le texte final.

Le sous-secrétaire italien au Commerce extérieur, Adolfo Urso, a jugé pour sa part qu'«une dangereuse nouvelle guerre de l'acier se profile et nous devons la conjurer par des interventions fortes et décisives».

Et la secrétaire d'Etat française au commerce extérieur Anne-Marie Idrac a estimé qu'il s'agissait d'un «très mauvais signal» donné par la nouvelle administration Obama, invitant le directeur général de l'OMC Pascal Lamy à se saisir du dossier.

Ce nouveau sujet de discorde apparaît alors que les États-Unis avaient déjà tiré deux salves commerciales contre l'Europe juste avant le départ de la Maison Blanche de George W. Bush, en décidant notamment de tripler leurs droits de douane sur le roquefort.

Mais les Européens ne sont eux-mêmes pas au-dessus de toute tentation protectionniste, notamment dans le secteur stratégique pour eux de l'agriculture.

L'Union européenne a ainsi été très critiquée le mois dernier pour avoir décidé de réintroduire des aides à l'exportation dans le secteur laitier pour soutenir ses producteurs en grande difficulté du fait de la forte baisse des prix.

Suspendu en 2007, ce mécanisme prévoit que l'UE verse aux exploitants la différence entre les prix en vigueur en Europe et ceux, encore plus bas, sur les marchés mondiaux, avec l'objectif de rendre les producteurs compétitifs face à la concurrence internationale.

Le groupe dit de «Cairns», qui réunit les grandes puissances émergentes exportatrices de produits agricoles (dont l'Australie, l'Afrique du Sud, l'Argentine et le Brésil), a critiqué l'Europe, estimant que «ce n'est pas le type de position qu'on attend de la part d'économies clés à l'heure actuelle».

Dans le domaine ultra-sensible pour Européens et Américains de l'aéronautique, le gouvernement français a aussi annoncé qu'il comptait mobiliser plusieurs milliards d'euros pour soutenir les exportations d'Airbus. Berlin réfléchirait aussi à des mesures en ce sens.

La ministre française de l'Economie Christine Lagarde est d'ailleurs allée vendredi jusqu'à défendre le protectionnisme, qu'elle a qualifié de «mal nécessaire» dans le cadre des plans de relance économique. Même si elle a reconnu que ces mesures devaient avoir un «caractère temporaire».