Vous trouvez que les condos sont hors de prix au centre-ville ? Vous n'avez rien vu. Selon une étude, le prix des logements neufs grimpera de 16 % si le règlement à venir sur l'inclusion des logements sociaux est appliqué selon les critères actuellement connus.

Vincent Shirley, directeur, stratégie et croissance, au Groupe Altus, a présenté hier les conclusions de son étude qui repose sur 1140 analyses dans le cadre d'un évènement organisé par l'Institut de développement urbain du Québec (IDU), le lobby des promoteurs, et l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec.

Les résultats de l'étude ont ébranlé certains promoteurs immobiliers.

Pour Prével et Broccolini, un règlement mal conçu accentuera l'étalement urbain en incitant les ménages et les promoteurs à migrer autour des stations du futur Réseau express métropolitain (REM) en banlieue, dans l'ouest de l'île, à Laval et à Brossard, notamment, où il n'existe pas de réglementation semblable.

« Avec l'arrivée du REM, on va être en mesure d'habiter la Rive-Sud et de venir au centre-ville en 15 minutes avec des trains aux 90 secondes [aux heures de] pointe le matin », a dit Roger Plamondon, président, développement immobilier et acquisitions, chez Broccolini, qui participait à un panel hier après les présentations. Le REM permet de vivre au centre-ville sans avoir à y habiter », d'où l'importance, selon lui, d'avoir les mêmes règles sur le territoire de la région de Montréal.

La promesse de Valérie Plante

L'équipe de la mairesse Valérie Plante a promis en campagne électorale de construire 12 000 logements sociaux et abordables. Pour y arriver, elle veut bonifier la politique d'inclusion des logements sociaux, qui a fait ses preuves depuis 14 ans. 

Actuellement, un promoteur doit inclure 15 % de logements sociaux et 15 % de logements abordables si son projet d'au moins 100 unités déroge de façon importante au règlement d'urbanisme. Le promoteur peut choisir de verser une contribution financière à la place.

La mairesse veut augmenter les cibles d'inclusion à 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux (règlement 20/20/20). Ceux-ci (3 chambres, au moins 5 pièces et une superficie de 1033 pi2 et plus) peuvent faire partie des logements abordables et des logements sociaux. À noter que tous les projets seraient visés, dont ceux de plein droit qui n'ont pas besoin de dérogation au règlement de zonage.

Le but du règlement est d'assurer une mixité dans les quartiers centraux, en retenant les jeunes familles, qui ont tendance à quitter la ville-centre pour la banlieue.

La Ville a mis en place des comités dès l'été 2018 en vue de préparer ce règlement qu'elle compte déposer d'ici le 15 avril. La semaine dernière, la table des partenaires en habitation, présidée par la mairesse et à laquelle siègent les promoteurs, s'est réunie. Deux autres rencontres sont prévues les 18 et 27 mars. Après une période de consultation publique, le règlement serait adopté fin novembre, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

« Trouver l'équilibre »

Peggy Bachman, directrice générale adjointe, qualité de vie, représentait la Ville à l'événement. « Je veux tout de suite vous donner une bonne nouvelle : les chiffres qui viennent de vous être présentés par l'étude du Groupe Altus devront être revus une fois que notre règlement sera déposé et adopté », a-t-elle laissé savoir aux 150 personnes présentes quand elle a pris la parole immédiatement après M. Shirley.

« Notre préoccupation principale est de trouver l'équilibre, trouver la voie de passage qui va rallier tout le monde. Notre souhait est de devenir un modèle dans le monde », a-t-elle dit, en soulignant que 800 villes en Amérique du Nord ont une stratégie d'inclusion de logements sociaux.

André Boisclair, PDG de l'IDU, a entendu Mme Bachman, mais n'est pas rassuré pour autant. 

« Encore aujourd'hui, la Ville laisse planer la possibilité qu'elle impose de nouvelles obligations pour des projets de plein droit, ce qui serait à nos yeux inacceptables s'il n'y avait pas de compensation, a-t-il dit au terme de l'événement. Ce genre de question demeurant ouverte, il y a effectivement une certaine anxiété dans l'industrie. » Un zonage plus permissif permettant une plus forte densité serait une forme de compensation.

Dans un panel qui a suivi les présentations, Roger Plamondon, président du groupe immobilier de Broccolini, a pour sa part dénoncé l'absence des gouvernements fédéral et provincial autour de la table des partenaires en habitation. Il déplore aussi l'absence des autres villes de la Communauté métropolitaine de Montréal.

Laurence Vincent, coprésidente du Groupe Prével, a aussi fait part de ses craintes. 

« Va-t-on encore être capable d'être abordable le jour où on va avoir une surcharge sur les projets, qui inévitablement va être transférée à l'acheteur ? Et est-ce qu'on va rester concurrentiel face aux banlieues alors que ça va devenir si facile de se déplacer avec le REM ? », s'est-elle demandé à voix haute. Prével se spécialise dans le logement pour accédants à la propriété dans les quartiers centraux.