Les nouvelles mesures hypothécaires annoncées par Ottawa la semaine dernière auront un impact « préoccupant » au Québec, selon l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ). L'organisme s'attend à ce que ce nouveau tour de vis pénalise 74 000 ménages, une situation qui fera plonger les mises en chantier de 18 % l'an prochain. Tour d'horizon des prévisions de l'APCHQ, qui seront dévoilées aujourd'hui.

74 000 ménages

L'APCHQ tablait jusqu'à tout récemment sur un léger recul de 2 % des mises en chantier l'an prochain au Québec. Or, les mesures annoncées par le gouvernement fédéral le 3 octobre dernier ont considérablement modifié ce scénario. En vertu de ces nouvelles règles, tous les nouveaux prêts hypothécaires devront être soumis à une « simulation de crise ». Cela signifie que les prêteurs devront utiliser le taux de référence (4,64 %) pour calculer la capacité d'emprunter des acheteurs, plutôt que les taux promotionnels offerts par toutes les banques (environ 2,45 % sur un terme de cinq ans). À la suite de ce changement, 74 000 ménages locataires ne se qualifieront plus pour acheter une maison à un prix moyen de 270 000 $, calcule l'APCHQ.

Répétition de 2012

Les mesures annoncées par Ottawa entreront en vigueur dès lundi prochain. Leur mise en oeuvre rapide fait craindre à l'APCHQ une répétition de ce qui s'était produit en 2012, lorsque le gouvernement fédéral avait réduit de 30 à 25 ans la durée maximale de l'amortissement d'une hypothèque. « Ça avait été un coup de frein très sec, tant sur le marché de la revente que de la construction neuve, rappelle Georges Lambert, économiste principal à l'APCHQ. C'est un très mauvais scénario de film qu'on a vu se rejouer spontanément. » Selon l'organisme, les mises en chantier devraient chuter de 18 % au Québec en 2017. Elles passeront ainsi de 37 900 cette année à 31 000 l'an prochain. L'impact sur l'économie québécoise pourrait se calculer en centaines de millions.

Effet de cascade ?

L'APCHQ s'attend par ailleurs à ce que les nouvelles mesures entraînent une baisse de 7 % des reventes de maisons l'an prochain au Québec. « Le marché de la revente, le marché de la maison neuve et la rénovation sont trois piliers qui se tiennent ensemble, avance Georges Lambert. Les acheteurs expérimentés, par exemple les baby-boomers qui ont envie de déménager dans un condo neuf ou une maison de ville, mettent leur maison en vente. Cette maison, qui ne sera pas vendue aussi rapidement, va retarder l'achat de la copropriété qui était convoitée. Et le jeune ménage qui voulait acheter une maison, avec les nouvelles règles, ne pourra pas procéder aussi rapidement, à moins d'amasser une mise de fonds plus grande. »

« Inquiétudes »

À l'instar de la Fédération des chambres immobilières, qui a exprimé des inquiétudes la semaine dernière, l'APCHQ redoute l'effet des nouvelles mesures fédérales sur l'accession à la propriété des jeunes ménages. À peine 61 % des Québécois sont propriétaires, rappelle l'organisation, contre plus de 70 % dans le reste du Canada. L'APCHQ a écrit une lettre au ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, et devrait aussi rencontrer sous peu son cabinet pour faire part de ses craintes et de ses suggestions. « Il y a un problème, et le problème que le gouvernement fédéral veut régler, ce n'est pas à Montréal ou au Québec qu'il se trouve, avance l'économiste Georges Lambert. Les investisseurs étrangers et les emprunteurs à haut risque, ce n'est pas au Québec qu'ils se trouvent en majorité. »

En chiffres

Les mises en chantier en 2017 au Québec, selon l'APCHQ

Maisons individuelles : 8000 (-16 %)

Jumelés : 2000 (-25 %)

Maisons en rangée : 800 (-38 %)

Condos : 6968 (-25 %)

Locatif : 13 032 (-11 %)