Les Montréalais et leurs voisins de l'agglomération prendront connaissance du nouveau rôle foncier prochainement. Qui seront les gagnants et les perdants? La Presse donne un aperçu de ce qui attend les propriétaires résidentiels, sur la base d'une analyse d'une firme spécialisée.

Montréal n'est pas Vancouver ni Toronto en ce qui a trait aux hausses de prix des maisons. Le prochain rôle d'évaluation en fera la démonstration hors de tout doute. Les propriétaires de l'agglomération de Montréal doivent s'attendre à une hausse de valeur d'au plus 5 % de leur maison ou condo, selon une analyse de la firme de compilation de données foncières JLR. Ce sera à peine plus pour les plex, les immeubles de deux à cinq logements.

Ça fera contraste avec les exercices antérieurs. Une variation aussi faible des valeurs foncières ne s'est pas vue à Montréal depuis le rôle de 2001-2002-2003, soit il y a 15 ans.

La hausse moyenne avait dépassé les 20 % pour les rôles 2011 à 2013 et 2014 à 2016. Au milieu des années 2000, l'augmentation avait atteint 47 %.

Le rôle sert à établir le montant de taxes foncières que doivent payer les propriétaires. Ce montant correspond au taux de taxation déterminé lors du budget par la Ville multiplié par la valeur apparaissant au rôle foncier.

Le nouveau rôle entre en vigueur le 1er janvier prochain. Il va refléter les valeurs au 1er juillet 2015. Les variations de valeur représenteront l'évolution du marché entre le 1er juillet 2012 et le 1er juillet 2015, soit une période de trois ans.

« Je ne suis pas étonnée que la hausse détectée soit la plus faible depuis 2000 étant donné le ralentissement de la hausse des prix », dit Joanie Fontaine, économiste chez JLR, qui passe ses journées à décortiquer les transactions dans le secteur résidentiel au Québec.

L'analyse de JLR, qui porte sur plus de 15 000 transactions résidentielles conclues entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015, permet d'estimer la hausse moyenne de l'évaluation municipale qui attend les propriétaires de l'île lors du dépôt du rôle prévu en septembre.

C'est la cinquième fois que la firme JLR réalise ce type d'analyse en amont du dépôt du rôle. L'exercice s'est avéré probant dans le passé.

Pour valider le processus, nous avons comparé les résultats de JLR avec l'évolution du prix médian des logements entre 2012 et 2015, calculée cette fois par l'économiste Paul Cardinal, de la Fédération des chambres immobilières du Québec. Les observations concordent. M. Cardinal arrive à une variation de 5 % du prix pour les maisons, 4 % pour les copropriétés et un écart légèrement supérieur à 5 % pour les plex.

« Les résultats ne me surprennent pas, dit M. Cardinal. Les années 2013 et 2014 n'ont pas été bonnes. Et la reprise en 2015 s'est manifestée surtout en deuxième partie d'année », souligne-t-il.

UN REFLET DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS LA COPROPRIÉTÉ

On a construit beaucoup de condos à Montréal entre 2012 et 2015, si bien que le marché a basculé dans le camp des acheteurs depuis le premier trimestre de 2013. Ceux-ci ont l'embarras du choix pour choisir la copropriété de leurs rêves. Un tel marché se traduit habituellement par des hausses modestes des valeurs. Dans son analyse, la firme JLR a constaté que les copropriétés se sont vendues en 2015 avec une prime d'environ 3 % par rapport à leur évaluation municipale.

Ce résultat cache des disparités. Dans quelques rares quartiers, le prix des reventes dépassait l'évaluation municipale de 8 %. C'est le cas de Pointe-Saint-Charles, la Petite Italie, La Petite-Patrie et le secteur adjacent à l'Université de Montréal, dans Côte-des-Neiges.

À l'autre bout du spectre, sept quartiers ont vu plus de la moitié des reventes de condos se conclure à un prix inférieur à la valeur inscrite au rôle. Pareille situation ouvre la porte à une baisse des valeurs dans le prochain rôle. Les secteurs plus vulnérables à ce chapitre sont Côte-Saint-Luc, Mercier-Longue-Pointe, Pierrefonds, Tétreaultville, L'Île-des-Soeurs, Lachine (à l'ouest de la 32e Avenue) et Saint-Léonard (au sud de l'autoroute Métropolitaine).

HAUSSES PLUS SENTIES DANS LES PLEX

L'écart entre le prix des reventes et l'évaluation municipale atteint 6 % pour les duplex, selon l'analyse de JLR. Des quartiers comme la Petite Italie, Rosemont (entre Saint-Michel et Pie-IX) et Parc-Extension connaissent des écarts positifs dans les deux chiffres. Plus rares sont les secteurs susceptibles de subir une baisse de valeur. Mentionnons néanmoins le Village Monkland, dans le voisinage du Centre universitaire de santé McGill, et Sault-au-Récollet, dans le secteur est de l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville.

NE PAS EXCLURE DE LÉGÈRES BAISSES DANS L'OUEST-DE-L'ÎLE

Vingt villes ou arrondissements de l'île ont connu des écarts entre le prix de revente et l'évaluation municipale de plus forte amplitude que la moyenne observée pour l'agglomération de Montréal, soit moins de 3,6 % pour la maison unifamiliale.

Les plus forts écarts ont été observés sur le Plateau Mont-Royal, au centre-ville, dans le Sud-Ouest et à Dorval. Dans ce dernier cas, il s'agit d'un revirement complet de situation. Cette ville avait connu l'une des plus faibles hausses de valeurs en 2013 lors du dépôt du rôle couvrant les années 2014, 2015 et 2016.

Au total, 14 villes ou arrondissements, plusieurs de l'Ouest-de-l'Île, ont connu des écarts inférieurs à la moyenne de l'île. La réalité immobilière de 2015 à Hampstead, Montréal-Ouest, Sainte-Anne-de-Bellevue, Baie-d'Urfé et Lachine ouvre la porte à une baisse de 1 à 3 % des valeurs des maisons unifamiliales au prochain rôle.

MÉTHODOLOGIE

L'analyse de JLR donne une bonne idée du prochain rôle foncier, sans parvenir à des résultats identiques à la réalité.

La Ville segmente l'île en plus de 3000 secteurs homogènes (unités de voisinage). Elle applique ensuite la variation de valeur aux propriétés vendues en 2015 à l'ensemble des propriétés de l'unité de voisinage.

De son côté, JLR compile les ventes en fonction des secteurs commençant par les trois mêmes caractères de code postal (RTA). Par exemple, si JLR dénombre 101 transactions de maisons en 2015 dans un RTA donné, il calcule le ratio entre le prix payé et l'évaluation de chacune des 101 transactions. La firme retient ensuite le ratio médian, soit le ratio qui découpe l'échantillon en deux parties égales.

Les ventes de propriétés neuves sont exclues de l'analyse, tout comme les transactions faites à un prix équivalant à moins de 50 % de la valeur municipale et celles conclues à un prix équivalant à plus du double de l'évaluation. Ces transactions sont considérées comme non représentatives. Les échantillons doivent contenir au moins 30 transactions pour être significatifs sur le plan statistique.