Canderel caressait depuis 2008 l'idée de construire une imposante tour de bureaux au square Phillips, en plein centre-ville de Montréal. Faute de locataires, le promoteur souhaite maintenant y bâtir... un stationnement à étage. Et peut-être aussi des résidences étudiantes, si le marché le permet.

Beaucoup d'autres projets d'immeubles commerciaux sont coincés sur les tables à dessin des architectes, comme la Tour Quartier des spectacles, à quelques coins de rue de là. La raison est simple : la demande pour des bureaux n'a jamais été aussi faible depuis au moins une dizaine d'années à Montréal.

Selon la firme Newmark Knight Frank Devencore (NKFD), le taux d'inoccupation des immeubles de catégorie A et B s'élevait à 10,3 % à la fin de 2015 au centre-ville. En incluant les bureaux offerts en sous-location, le taux de disponibilité atteint 16,4 %. « C'est un sommet depuis 2006 », résume Jean Laurin, président et chef de la direction du groupe immobilier.

La hausse a été rapide - et brutale - depuis trois ans. Le taux de disponibilité est passé de 10,9 % en 2012 à 13,6 % l'année suivante et à 16,2 % en 2014. Le taux actuel semble toutefois en voie de se stabiliser, et Jean Laurin s'attend à une baisse de 1 % à 2 % au cours de la prochaine année.

REGAIN DE CONFIANCE

Le président de NKFD n'est pas le seul à croire au marché montréalais. Dans son vaste rapport intitulé Emerging Trends in Real Estate, publié il y a quelques mois, le géant mondial PricewaterhouseCoopers (PWC) suscite l'espoir. En fait, Montréal s'y positionne dans le peloton de tête des marchés canadiens à suivre en 2016.

PWC a mené son enquête auprès de plus de 1400 personnes de l'industrie immobilière, dont des promoteurs, des propriétaires fonciers et des institutions bancaires. Leurs conclusions font état du fort ralentissement économique dans l'Ouest canadien - et du rebond dans l'Est.

« Alors que le pouvoir économique retourne à l'est, les investisseurs et promoteurs déplacent leur attention vers de nouvelles occasions d'affaires dans les marchés à croissance plus rapide de Toronto et dans certains secteurs de Montréal, souligne le rapport. Vancouver est l'exception dans l'Ouest, puisqu'il reste en première position pour l'investissement immobilier. »

Dans son étude, PWC souligne que le produit intérieur brut (PIB) montréalais devrait grimper de 2,7 % cette année, sa plus forte progression depuis 2002. Les investissements en infrastructure devraient profiter à l'industrie de la construction, tandis que la baisse du cours des hydrocarbures et du dollar canadien devrait stimuler le secteur manufacturier montréalais.

CINQ ANS POUR REMPLIR ?

Sur le plan immobilier, PWC met en lumière un certain ralentissement de la construction de condos et quelques inquiétudes dans le commerce de détail au centre-ville de Montréal. L'étude souligne aussi le taux d'inoccupation « très élevé » des bureaux. « Certains croient que cela pourrait prendre cinq ans pour remplir tous ces espaces », peut-on lire.

S'il estime que la tendance « reste quand même positive pour Montréal », Sébastien Jean, évaluateur agréé et directeur conseils et transactions, immobilier, chez PWC, reconnaît aussi qu'une certaine « incertitude » plane en ce moment sur le marché du bureau.

« Sans nécessairement se lancer dans la panique, je dirais que les gens sont quand même beaucoup plus prudents. Je dirais que c'est plus réfléchi. Il y a plus d'analyses qui sont faites avant de faire un investissement. »

- Sébastien Jean, directeur conseils et transactions, immobilier, chez PWC

Même son de cloche chez Jean Laurin, de NKFD. « Je ne sens pas, de la part des propriétaires, une panique. La raison pour laquelle on ne la sent pas, c'est que la plupart des investisseurs qu'on retrouve aujourd'hui dans le marché ont une vision à long terme. Ils sont habitués de vivre avec des soubresauts, et même si le taux de disponibilité de 16 % est assez important, ils en ont vu d'autres. »

M. Laurin remarque que le degré d'activité demeure élevé dans le marché, qui a vu de nombreuses transactions d'importance se conclure récemment. « Par la force des choses, quand il y a autant de disponibilité que ça, ça incite les propriétaires à être plus agressifs, et ça incite les locataires à regarder et voir comment ils vont pouvoir tirer leur épingle du jeu. »