Les habitants de San Francisco votent mardi sur l'opportunité de limiter les locations de courte durée de type Airbnb dans la ville, un scrutin symbolique des tensions immobilières locales, exacerbées ces dernières années par le boom du secteur technologique.

«Au moment où San Francisco fait face à une grave crise des logements abordables, un nombre croissant d'appartements existants sont proposés illégalement (...) en location de courte durée sur des sites internet comme Airbnb ou VRBO», souligne le préambule de cette «proposition F», également surnommée «initiative Airbnb» car la startup en est une des cibles les plus en vue.

La mesure centrale limiterait à 75 jours par an les locations de courte durée d'un logement donné. Cela durcirait nettement les règles actuelles, qui prévoient un plafond de 90 jours si l'habitant officiel du logement le laisse entièrement à disposition des visiteurs, mais ne fixent aucune limite s'il reste présent, en louant juste sa chambre d'amis par exemple.

«L'objectif de ces limites est d'interdire la conversion, pour un usage touristique, de logements à louer à usage résidentiel, et d'aider à préserver la disponibilité de logements à San Francisco», indiquent les documents explicatifs mis à disposition des électeurs.

Flambée des loyers contre vie privée

La proposition est soutenue par un large éventail d'associations de locataires, de propriétaires ou de quartiers, ainsi que par le syndicat des travailleurs des secteurs de l'hôtellerie et de la restauration.

La coalition «Share Better SF», qui réunit plusieurs d'entre elles, avance qu'environ 10 000 locations de court terme sont actuellement proposées dans la ville, dont 70% pour des appartements entiers, ce qui «empire notre crise du logement» en remplaçant des logements abordables dont les occupants sont expulsés, et en contribuant à l'envol des loyers.

La flambée du marché immobilier est notable depuis plusieurs années dans toute la Silicon Valley. A San Francisco en particulier, de nombreux quartiers autrefois très populaires subissent une gentrification accélérée par l'arrivée massive de salariés du secteur technologique à pouvoir d'achat élevé.

Le site d'annonces immobilières Zillow estimait ainsi en septembre le loyer moyen dans la ville à 4390 dollars, contre 1386 dollars sur l'ensemble des États-Unis et moins de 3000 dollars il y a encore cinq ans.

«Le partage de logement permet à des milliers de familles de la classe moyenne de joindre les deux bouts et de rester dans la ville», rétorque Christopher Nulty, porte-parole d'Airbnb. Il dénonce «une mesure soutenue par les hôtels, qui créent de manière fausse un lien entre des habitants normaux de San Francisco qui partagent leur maison et une crise du logement qui dure depuis des décennies».

La plateforme en ligne a été le principal contributeur de la campagne pour le «Non», qui affiche un budget de plus de 8 millions de dollars contre moins de 800 000 pour celle du «Oui», selon des statistiques de la San Francisco Ethics Commission.

Face au chiffon rouge de la flambée des loyers, les partisans du Non mettent en avant des mesures représentant selon eux des menaces contre la vie privée, comme l'obligation de faire des rapports tous les trois mois sur les visiteurs des appartements, ou la possibilité de lancer des poursuites élargies à n'importe qui vivant dans un rayon d'une trentaine de mètres.

«Que feriez-vous si le gouvernement vous obligeait à rédiger un rapport quand vous dormez dans votre propre maison (...) et même dans votre propre lit?», interroge notamment un spot télévisé. «La proposition F va encourager les voisins à s'espionner les uns les autres, et même encourager les plaintes», prévient un autre.

Le vote reste dans l'immédiat relativement symbolique pour Airbnb, qui a certes son siège à San Francisco mais est actif dans plus de 34 000 villes dans le monde. La proposition prévoit tout de même des amendes pour les sites publiant des annonces illégales, à hauteur de 250 à 1000 dollars par jour, et pourrait surtout donner des idées à d'autres villes dans le monde.

Un sondage réalisé fin octobre par les partisans du Non donnait ce dernier vainqueur à 55% contre 36% pour le Oui. Les premiers résultats provisoires sont attendus mardi soir.