Après une tentative ratée de conversion en copropriétés, l'an dernier, le complexe commercial Westmount Square, l'une des oeuvres phares de l'architecte Mies van der Rohe, vient d'être mis en vente par son propriétaire environ 100 millions de dollars.

Le groupe Elad Canada a confié le mandat au courtier commercial Jones Lang LaSalle, a appris La Presse Affaires. La transaction touchera une tour de bureaux de 22 étages, un immeuble de deux étages ainsi qu'un petit centre commercial souterrain. Les deux tours résidentielles ne sont pas visées.

Dror Duchovny, directeur de la gestion d'actifs chez Elad Canada, a dit vouloir « profiter des conditions favorables du marché » pour se départir du Westmount Square. Il n'a pas voulu confirmer le prix demandé pour le complexe de 330 000 pieds carrés, mais des sources au fait du dossier parlent d'une centaine de millions.

UN JOYAU

Méconnu de bien des Montréalais, le Westmount Square a été inauguré en grande pompe en 1967. À l'époque, son centre commercial était considéré comme l'une des adresses les plus luxueuses de la métropole. Des maisons prestigieuses comme Hermès et Lanvin y tenaient boutique, se souvient Stephen Léopold, président du conseil du groupe immobilier Immodev et fils de l'un des fondateurs du projet.

« Certains disaient que c'était vraiment le bijou de Mies van der Rohe. C'était vraiment une ville dans la ville, avec des bureaux, des commerces, des résidences, la définition même du live, work and play », estime Stephen Léopold.

Le complexe a changé de mains à quelques reprises au fil des ans. Il s'est retrouvé au coeur d'une polémique, en 1989, quand son propriétaire a apporté une série de changements esthétiques - dont l'installation de puits de lumière - qui ont altéré l'aspect original de la place centrale.

La philanthrope et architecte Phyllis Lambert, qui a travaillé de près avec Mies van der Rohe, a combattu ces changements à l'époque. Elle estime que le Westmount Square pourrait de nouveau « être en péril » si le futur propriétaire tente d'apporter des modifications trop importantes au bâtiment.

« Il faut quelqu'un qui veut faire de ça un projet d'une grande qualité, a-t-elle fait valoir jeudi. Ce serait désastreux d'avoir quelqu'un qui veut juste faire de l'argent avec ça. »

Quoi qu'il en soit, Phyllis Lambert estime que la vente de Westmount Square par Elad était « inévitable », en raison de l'échec du projet de conversion en copropriétés proposé l'an dernier. Elad souhaitait aménager une centaine de condos dans la tour de 22 étages, une proposition qui a été rejetée par la Ville de Westmount.

NOUVEAUX LOCATAIRES

À l'heure actuelle, la tour de bureaux et le centre commercial affichent un taux d'inoccupation d'environ 20 %, selon Patrick English, directeur général de Westmount Square, géré par la société immobilière Cogir. 

« Le projet de conversion en appartements a fait partir certains locataires, mais on en a fait signer d'autres depuis », précise Patrick English.

Qui pourrait racheter le Westmount Square ? Stephen Léopold, qui roule sa bosse en immobilier commercial depuis les années 70, croit que le groupe Cominar pourrait répéter ce qu'il a fait avec la Place Alexis-Nihon, située à quelques centaines de mètres. L'entreprise de Québec a rénové de fond en comble cette tour mixte, qui abrite aujourd'hui un centre commercial bien achalandé. (Cominar n'a pas rappelé La Presse Affaires, jeudi.)

Elad Canada, filiale d'un important groupe israélien, s'est déjà départi d'un important actif immobilier montréalais en 2012. Le groupe avait alors vendu le Village olympique à un fonds de placement immobilier contre 176 millions de dollars.

Pas question pour Elad de quitter complètement le marché montréalais, affirment toutefois ses dirigeants. L'entreprise a depuis lancé un vaste projet de copropriétés, le Nordelec, dans le sud-ouest de l'île. « Nous sommes fortement investis à Montréal et nous croyons fortement au marché montréalais », a déclaré Dror Duchovny, joint jeudi par courriel.