À un an et des poussières du début des travaux de réfection de la rue Sainte-Catherine, l'inquiétude des commerçants croît. Comment réussir ce chantier? L'Institut de développement urbain (IDU), qui regroupe plusieurs grands noms, dévoilera ce matin ses recommandations.

Transformer le chantier de la rue Sainte-Catherine en «attraction»; imposer des pénalités sévères pour tout retard; créer un bureau de projet «autonome et imputable». Voilà quelques-unes des propositions qui seront dévoilées aujourd'hui par un groupe de personnalités influentes, en prévision de la réfection de l'artère commerciale.

L'Institut de développement urbain (IDU), qui regroupe la plupart des propriétaires et gestionnaires immobiliers du Québec, fera valoir ses idées au maire Denis Coderre dans un rapport étoffé obtenu par La Presse Affaires. L'organisme veut à tout prix éviter une répétition du fiasco qui a marqué les travaux sur d'autres artères montréalaises, comme le boulevard Saint-Laurent au milieu des années 2000.

«Pour nous, non seulement c'est un projet hyper important, mais il n'y aura pas de deuxième chance», a déclaré Mario Lefebvre, président-directeur général de l'IDU, pendant une entrevue.

Les travaux prévus rue Sainte-Catherine Ouest s'annoncent d'une complexité et d'une ampleur gigantesques. Dès 2016, la Ville éventrera l'artère entre De Bleury et Atwater pour remplacer les canalisations et d'autres infrastructures souterraines. La Ville veut en profiter pour revoir l'aménagement de la rue.

L'IDU, dont les membres possèdent un portefeuille immobilier totalisant 20 milliards de dollars à Montréal, a réuni une centaine de personnes, il y a un mois, pour cogiter sur l'avenir de la «Sainte-Cath». On compte parmi eux Clément Demers, du Quartier international de Montréal, Daniel Peritz, du promoteur Canderel, et Jean Laramée, d'Ivanhoé Cambridge.

Dix conclusions

Le groupe a accouché de dix grandes conclusions. Le rapport insiste en particulier sur l'importance de bien coordonner les travaux entre tous les intervenants impliqués (Hydro-Québec, Gaz Métro, Commission des services électriques, commerçants) afin d'éviter d'avoir à rouvrir la rue plusieurs fois, comme ce fut le cas boulevard Saint-Laurent.

L'IDU suggère aussi de créer un bureau de projet «autonome et imputable» qui sera doté de pouvoirs décisionnels et d'un budget de contingence prédéterminé. La Ville avait adopté avec succès cette formule dans le Quartier international, rappelle son directeur général, Clément Demers.

Nombreux imprévus

Il serait d'autant plus à propos de créer un tel bureau pour la rue Sainte-Catherine que les imprévus s'annoncent nombreux, dit M. Demers. «Il faudrait que le bureau de projet de la Ville ait la capacité de décider. S'il n'a aucune marge de manoeuvre et que chaque changement doit être soumis à un comité ou des élus, évidemment, il va y avoir des interruptions de chantier, des démobilisations. Et à la fois pour les gestionnaires de la Ville, les entrepreneurs, les citoyens et les commerçants, ça va s'avérer extrêmement pénible.»

Clément Demers insiste sur l'importance de la reddition de comptes de ce bureau. Mais celle-ci devrait se faire «a posteriori», plaide-t-il. «Si la reddition de comptes doit se faire a priori, ça va évidemment retarder et enlever beaucoup d'efficacité au chantier.»

Dans son rapport, l'IDU suggère aussi de réaliser autant que possible le chantier en formule accélérée, avec des dates de livraison «fermes» et des horaires en continu (week-ends, soirs, nuits, heures prolongées). On suggère en outre à la Ville d'imposer des pénalités «substantielles» en cas de retard.

«C'est sûr que pour nous, plus ça ira vite, mieux ce sera, a fait valoir Mario Lefebvre. On ne veut pas perdre l'achalandage de façon permanente.»

«Une attraction en soi»

Parmi ses autres recommandations, l'IDU suggère de faire du grand chantier de la rue Sainte-Catherine «une attraction en soi». Il propose notamment de créer un centre d'interprétation pendant les travaux, dont la responsabilité pourrait être confiée à un musée. On envisage aussi des activités artistiques dans les tronçons libres de la rue Sainte-Catherine.

Selon l'IDU, qui siège à deux comités de la Ville de Montréal liés aux travaux de Sainte-Catherine, des travaux bien exécutés permettront à Sainte-Catherine d'attirer de nouveau les consommateurs qui l'ont délaissée au profit de la banlieue depuis 10 à 20 ans.

La Ville mène jusqu'au 26 octobre une consultation publique pour recueillir des idées sur l'avenir de cette artère.

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QUELQUES RECOMMANDATIONS DE L'IDU

Diminuer l'impact des travaux

«Aux compensations financières aux entreprises affectées, les membres de l'IDU préfèrent que la Ville se donne des budgets nécessaires pour diminuer l'impact des travaux sur l'ensemble des commerçants et de la collectivité, notamment par des campagnes de promotion et l'organisation d'évènements spéciaux. En outre, l'IDU propose que les contrats octroyés pour l'exécution des travaux comprennent des dates de livraison fermes ainsi que des engagements de travail en continu (fins de semaine, nuits, heures prolongées, etc.). La Ville devrait examiner la possibilité d'appliquer des pénalités en cas de retard.»

Faire un chantier intelligent

«Il serait aussi important de ralentir les travaux durant les périodes clés, notamment durant les Fêtes, de façon à donner un coup de main aux commerçants durant les périodes les plus déterminantes pour eux. L'IDU recommande aussi de réaliser le maximum de composantes hors du chantier, pour ensuite les installer sur le site, afin de minimiser les interventions, le bruit et la dangerosité. Autant que possible, la livraison des matériaux de construction devrait être effectuée selon le principe du «just in time».»

Valoriser le chantier

«L'IDU croit qu'il serait pertinent de créer un centre d'interprétation durant les travaux et que ce mandat pourrait être confié à un musée. [...] L'éclairage peut aussi mettre en valeur le chantier en devenant un véritable instrument d'embellissement, faisant du chantier une oeuvre d'art géante. La mise en place d'une foire commerciale permettrait à la fois aux commerçants d'écouler leurs stocks et de maintenir la vocation magasinage de Sainte-Catherine durant les travaux.»

Communiquer

«L'IDU souhaite une transparence complète de la part de la Ville sous forme de communications fréquentes et bilingues sur les délais et les étapes du projet. Les communications de la Ville devront aussi être acheminées à tous les riverains, qu'ils soient commerçants, entrepreneurs, propriétaires, locataires, résidents. L'IDU croit qu'il est primordial que les communications aient deux objectifs: communiquer les informations de base et attirer les gens vers la rue Sainte-Catherine en communiquant le WOW! Il serait important que les communications non seulement informent les riverains, mais montrent que la Ville a mis en place une stratégie claire pour réaliser les travaux et que ceux-ci se termineront à une date clairement précisée.»

Offrir des stationnements

«Il est indispensable d'assurer une offre de stationnement adéquate au centre-ville de Montréal. Le nouvel aménagement de la rue Sainte-Catherine devrait ainsi inclure optimisation de l'utilisation des places existantes et, idéalement, de nouveaux stationnements souterrains afin de compenser la diminution de l'offre publique sur rue des dernières années.»