Atterrissage en douceur ou désastre en attente? Le marché immobilier canadien a conclu l'année 2013 sur une note mitigée, qui divise les experts quant à la trajectoire attendue en 2014.

Selon les données publiées hier par l'Association canadienne de l'immeuble (ACI), les ventes de maisons ont progressé de 0,8% pour l'ensemble de l'année, avec 457 893 transactions. Le marché a connu une période enflammée pendant l'été, avant de reculer quelque peu au cours des trois mois d'automne.

«Il est difficile de trouver des preuves qui suggèrent quoi que ce soit d'autre qu'un atterrissage en douceur pour le marché canadien en 2013», a tranché Robert Kavcic, économiste à la BMO.

Diana Petramala, de la Banque TD, est du même avis. L'économiste estime que la progression des ventes de 0,8% n'est «ni trop chaude, ni trop froide, mais bien alignée avec notre prévision d'un atterrissage en douceur».

Les prix explosent

Si les ventes sont revenues à leur moyenne mensuelle des 10 dernières années, les prix, eux, poursuivent leur chemin vers la stratosphère. La valeur de revente moyenne a atteint 389 119$ en décembre à l'échelle nationale, une hausse de 10,4% sur un an. En excluant les marchés très chers de Toronto et Vancouver, la hausse s'élève tout de même à 4,6%, indique l'ACI.

Plusieurs observateurs estiment que le Canada se trouve aujourd'hui en situation de bulle immobilière, en raison de ses prix complètement déconnectés de la réalité économique des ménages.

Mardi, le président de la Banque TD, Ed Clark, a exprimé de sérieuses craintes face à cette poussée incessante. «Si vous dirigez une banque, vous devriez vous en inquiéter», a-t-il déclaré pendant une conférence bancaire.

Le prestigieux Wall Street Journal y est pour sa part allé hier d'un article assez sombre sur le marché immobilier canadien. Pour la deuxième fois en quelques mois, le quotidien américain s'est demandé, hier, «si le miracle canadien des dernières années réserve un réveil brutal, avec de sévères déséquilibres destinés à être corrigés dans la douleur».

Citant une étude récente de la Deutsche Bank, le Wall Street Journal souligne que les prix sont «très clairement» dans une situation de bulle («bubbly»). Ce rapport de la banque allemande estimait à 60% la surévaluation de la valeur des propriétés au Canada.

Thèse contestée

La thèse d'un atterrissage en douceur du marché canadien «n'a aucun sens», avance quant à lui David Madani, économiste chez Capital Economics à Toronto. «Les prix sont rendus tellement élevés que même une hausse minime des taux hypothécaires aura un impact majeur sur l'accessibilité», a-t-il déclaré à La Presse Affaires.

Enfin, l'analyste torontois Ben Rabidoux se fait plus nuancé. Il croit que le marché canadien réussira un «atterrissage en douceur» si les ventes continuent à fléchir au cours des prochains mois. Cette situation comportera toutefois d'importantes disparités régionales, avec des hausses marquées dans l'ouest du pays et un marché très lent au Québec et dans les Maritimes.

«En d'autres mots, si cet atterrissage en douceur se produit à l'échelle nationale, il y aura clairement des gagnants et des perdants», a-t-il dit hier.

L'Indice des prix des propriétés MLS, qui analyse les transactions entre propriétés comparables, a affiché une progression annuelle de 4,31%, a souligné hier l'Association canadienne de l'immeuble.

Des hausses en 2014?

Après trois baisses mensuelles consécutives depuis septembre, le niveau des ventes de maisons est maintenant revenu à sa moyenne des 10 dernières années au pays. Gregory Klump, économiste en chef de l'Association canadienne de l'immeuble, s'attend à ce que l'activité demeure «modérée» en 2014. «Comme aucune autre modification des règles hypothécaires n'est prévue cette année, il est possible qu'en 2014, les ventes surpassent le total annuel de 2013, si la demande se maintient près des niveaux actuels, tandis que l'économie se redresse et que la croissance de l'emploi compense les répercussions des hausses marginales des taux d'intérêt hypothécaires à venir», a-t-il avancé hier.

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La situation dans les quatre plus grandes villes du pays

Toronto

Après un début de 2013 au ralenti, les ventes ont redécollé pendant la seconde moitié de l'année. Près de 89 000 transactions ont été enregistrées au total dans la Ville reine, soit une hausse de 0,9% par rapport à 2012. Le prix de vente moyen a augmenté de 5% sur un an, à 524 089$.

Montréal

La Chambre immobilière du Grand Montréal divulguera ce matin, à l'occasion d'une conférence, ses chiffres finaux de 2013. Pendant les 11 premiers mois de l'année, on a enregistré 34 515 transactions dans la métropole, une baisse de 9% sur un an. Les prix ont stagné, voire fléchi, dans le secteur de la copropriété et grimpé de 2% pour les unifamiliales.

Vancouver

Le marché immobilier de cette ville de la côte Ouest continue de déformer les statistiques de tout le pays, tant il est exorbitant. En 2013, le prix moyen des propriétés y a atteint 767 765$, en progression de 5,2% sur un an. Les ventes ont rebondi de 13,9%, avec 28 985 transactions.

Calgary

Autant la capitale canadienne du pétrole a souffert pendant la crise de 2008-2009, autant son marché immobilier affiche aujourd'hui une forme resplendissante. Le nombre de transactions a progressé de 12,5% l'an dernier, avec 29 954 reventes. Le prix moyen est à l'avenant: 437 036$, en hausse de 6% sur un an.