Après plusieurs années de discussions et de délais, Québec va de l'avant pour retirer aux associations d'entrepreneurs la gestion des plans de garantie pour les maisons neuves, pour mettre fin aux conflits d'intérêts dans l'indemnisation des propriétaires aux prises avec des défauts de construction.

À partir d'octobre 2014, les plans de garantie relève d'un organisme à but non lucratif indépendant, ce qui devrait assurer une meilleure qualité de la construction résidentielle, des sommes plus élevées pour indemniser les acheteurs et plus d'informations sur les entrepreneurs à problèmes.

Les trois plans de garantie existants sont actuellement administrés par des associations d'entrepreneurs, l'Association de la construction du Québec (ACQ) et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ). Les regroupements de consommateurs estimaient que le système actuel protégeait mal les acheteurs de maisons neuves en cas de problèmes, puisque les administrateurs des plans de garantie devaient sévir contre leurs propres membres.

«De nombreux consommateurs avaient l'impression que les administrateurs des plans de garantie étaient à la fois juges et parties. La structure permettra d'éliminer les conflits d'intérêts», souligne la ministre du Travail, Agnès Maltais, qui dit avoir entendu «des histoires d'horreur» en pilotant les travaux qui ont mené aux changements annoncés hier.

Les acheteurs de nouvelles maisons ou de condos dans des édifices de quatre étages et moins devront payer plus cher pour la couverture offerte par le plan de garantie. Pour une maison, la prime passe de 850$ à 1050$, et pour un condo, elle passe de 1250$ à 1550$. Ces sommes pourraient être plus élevées pour les entrepreneurs dont la feuille de route est entachée de nombreuses réclamations ou de manquements à leurs obligations.

À cette facture, il faut ajouter une somme de 300$ comme contribution à un fonds de réserve destiné aux indemnisations en cas de sinistre majeur, mis en place l'année dernière à la suite des problèmes de pyrrhotite dans la région de Trois-Rivières, qui touchent environ 4000 propriétés.

La ministre Maltais estime que cette augmentation ne devrait pas indisposer les consommateurs, qui seront assurés à l'avenir d'une meilleure protection de leur maison, «le plus important achat de leur vie», souligne-t-elle. «On a surtout augmenté le montant des cautions exigées des entrepreneurs, pour s'assurer que ce sont des entreprises aux reins solides, sérieuses et qui ne vont pas disparaître dans la nature.» Des sanctions sont aussi prévues pour les constructeurs qui ne respectent pas leurs obligations dans le cadre des plans de garanties.

Satisfaction chez les consommateurs

Les changements sont très bien accueillis par deux groupes qui talonnaient depuis longtemps le gouvernement à ce sujet, l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) et le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ).

Il faut dire que le gouvernement libéral avait d'abord déposé un projet de loi pour permettre de tels changements, en 2011. Mais les changements réglementaires n'avaient pas pu être mis en vigueur avant les élections. Le gouvernement du Parti québécois a poussé les modifications un peu plus loin que l'administration précédente.

«Nous sommes ravis de voir que les plans de garantie ne seront plus entre les mains des entrepreneurs, a réagi l'avocat Yves Joli-Coeur, porte-parole du RGCQ. L'introduction d'une politique d'inspection, entre autres, montre qu'on veut s'assurer que les maisons seront mieux construites. Les entrepreneurs auront un meilleur incitatif à surveiller la qualité pour éviter les réclamations à leur endroit.»

Une somme est prévue pour financer des services d'accompagnement des propriétaires aux prises avec des problèmes, souligne Jean Dion, porte-parole de l'ACQC. «Comme les consommateurs auront des sièges au conseil d'administration, on pourra mieux suivre les procédures de réclamations», note-t-il.

La Coalition Proprio-Béton, qui représente les propriétaires aux prises avec des problèmes de pyrrhotite, a qualifié les changements de «grande victoire». «Des associations d'entrepreneurs avaient un monopole qui leur permettait d'engranger des millions de dollars, alors que des propriétaires ne réussissent pas à se faire indemniser quand des problèmes importants surviennent», a dénoncé Yvon Boivin, président de la coalition.

À la suite des problèmes de fondations en Mauricie, le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ a été mis en tutelle l'été dernier, parce que son fonds de réserve ne suffisait plus à répondre aux réclamations.

L'APCHQ, la plus importante association d'entrepreneurs, qui gère aussi la garantie Abritat, n'a pas souhaité réagir aux changements annoncés hier.

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QUELQUES CHIFFRES

Coût des primes pour les plans de garantie :

> Maison unifamiliale :

Augmente de 850$ à 1050$

> Condo dans un édifice de moins de quatre étages : Augmente de 1250 à 1550$

Indexé annuellement

Montant de la couverture en cas de défaut de construction:

> Maison unifamiliale :

Augmente de 130 000$ à 200 000$

> Édifice à condos de moins de quatre étages :

Augmente de 2,6 millions à 3 millions

Cautions à verser par les entrepreneurs :

Augmentent de 35 000$ à 70 000$ ou 100 000$, selon la catégorie d'entrepreneurs

Au conseil d'administration du nouvel organisme à but non lucratif :

13 membres, dont :

> 3 représentants des consommateurs

> 3 représentants des entrepreneurs

> 2 professionnels du secteur du bâtiment

> 1 professionnel du secteur du droit

> 3 représentants du milieu gouvernemental