Une dame de Laval sans histoire a appris avec effroi que sa maison avait été vendue à son insu en octobre dernier.

Elle a eu un choc en allant payer son impôt foncier. À l'hôtel de ville, la préposée lui a dit que l'avis d'imposition avait déjà été entièrement payé et qu'elle n'était plus propriétaire de l'immeuble depuis octobre 2012.

«Je n'ai plus de maison. Je vis encore dedans, mais elle n'est plus à mon nom, a dit au téléphone la dame qui ne souhaite pas être identifiée. Si je meurs demain, mon testament n'est plus valable. Je suis très inquiète. Je peux me faire mettre dehors demain matin», raconte la victime, encore secouée par la tournure des événements.

Les fraudeurs ont usurpé l'identité de la dame. Avant la fraude, sa maison était libre de toute hypothèque. Elle craint maintenant que les malfrats commettent d'autres fraudes avec son identité.

«Ils ont même fait faire un changement d'adresse à Postes Canada pour mon courrier», dit-elle, découragée.

Voici le modus operandi : deux fraudeurs, un pour le vendeur et un autre pour le faux acheteur, arrivent chez le notaire avec des fausses cartes dans le but de faire notarier la vente de la maison. Le notaire vérifie les pièces d'identité et constate que les photos correspondent aux personnes qui se trouvent devant lui. Une fois la transaction notariée, le faux acheteur contracte rapidement une hypothèque et décampe avec l'argent. Dans le cas de la maison de Laval, les fraudeurs ont obtenu un prêt hypothécaire de 332 121$.

La fraude est habituellement découverte quand le prêteur réclame le remboursement du prêt au supposé acheteur, victime lui aussi d'un vol d'identité. Dans notre histoire, le supposé acheteur habite Granby. Quand il s'est rendu compte de la supercherie, il a rempli sous serment un rapport de vol d'identité au poste de police de l'endroit.

Selon le Service de police de la Ville de Montréal, la section des fraudes générales traite environ 6000 plaintes par année. Parmi celles-ci, on compte quelque 1200 dossiers de fraude d'identité. Les fraudes par cartes de paiement représentent la grande majorité des dossiers.

D'après la société commerciale ProtegeMonIdentite.ca de Burlington, en Ontario, un Canadien sur six a déjà été victime d'un vol d'identité.

Toujours selon cette entreprise qui offre des services pour se protéger contre le vol d'identité, les fraudeurs, dans bien des cas de figure, prennent une deuxième hypothèque sur la maison ciblée. La vente frauduleuse d'une maison reste exceptionnelle.

La police a confirmé l'ouverture d'une enquête sur la maison de Laval. Il a été impossible de savoir s'il s'agissait d'un cas isolé ou de fraudes en série.

La victime de Laval a déposé une requête en Cour supérieure pour faire déclarer nuls à la fois l'acte de vente et l'acte d'hypothèque. «C'est une requête sous réserve qui a été déposée pour protéger les droits de ma cliente. C'est sujet à changements», explique son procureur, Jean-François L'Archevêque Montpetit, du cabinet Heller&associés.

D'autres précédents

Me L'Archevêque Montpetit a retracé un autre cas semblable qui a fait l'objet d'un jugement. En 2009, Michel Fréchette reçoit un compte émis par la Ville de Montréal au nom de Merhez Boussalmi, autre victime d'un vol d'identité. La Ville exige le paiement des droits de mutation à la suite de la vente de la propriété. En début d'instance, le créancier hypothécaire reconnaît la fraude et accorde une main levée de l'hypothèque contre l'immeuble de M. Fréchette. La juge Danielle Turcotte déclare faux l'acte de vente dans un jugement daté du 21 octobre 2011. La magistrate n'a toutefois pas tenu le notaire responsable de la fraude puisque ce dernier avait utilisé un moyen raisonnable d'établir l'identité des contractants, à savoir d'exiger deux pièces d'identité avec photo. «La preuve ne démontre pas que le notaire devait douter de l'authenticité des documents qu'on lui a exhibés», écrit-elle.

Le vol de maisons n'est pas un phénomène nouveau. En mars 2003, à son retour de vacances, François Trépanier, journaliste retraité de La Presse, a appris avec consternation que la maison d'Outremont qu'il habitait depuis 30 ans et qui était libre d'hypothèque avait été vendue en son absence. Il a pu retrouver ses titres de propriété, mais après bien des tracas. Dans ce cas, un des fraudeurs, Serge Ollu, a été accusé et condamné.