Martin Cheff a eu un retour de vacances mouvementé. À son arrivée au bureau, cette semaine, après le congé du Nouvel An, le courtier immobilier de Century 21 avait une véritable «pile de gens à rappeler».

«Le téléphone sonne sans cesse et, depuis un mois et demi, on voit une augmentation du nombre d'appels de propriétaires d'appartement qui cherchent des locataires», explique M. Cheff, spécialisé dans la location de copropriétés.

«J'en ai eu 10 à louer d'un coup», dit pour sa part Monique Assouline, du Groupe immobilier Londono.

Le début d'année trépidant de ces courtiers est le reflet d'un phénomène en pleine explosion dans la métropole. Le nombre de condos utilisés à des fins locatives est passé de 6552 à 9158 d'octobre 2011 à octobre 2012 dans l'île de Montréal, d'après les plus récentes données de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Un bond de 40% en un an.

Une simple visite sur les sites de petites annonces ou sur le système interagences (MLS) permet de constater l'éventail de condos à louer, surtout au centre-ville et dans les quartiers centraux. Plusieurs complexes de copropriétés terminés récemment - comme le Séville et le M9 - sont venus gonfler une offre déjà considérable.

Loyers en baisse

David L'Heureux, analyste de marché à la SCHL, ne craint pas une surabondance de l'offre à court terme. Il signale que le taux d'inoccupation des copropriétés locatives est à peu près stable (2,8% en octobre contre 2,5% un an plus tôt) et même beaucoup plus bas qu'en 2010 (4,2%).

Quoi qu'il en soit, la pression sur les prix est évidente. Le loyer moyen des condos locatifs a reculé de 1241$ à 1131$ depuis un an dans l'île de Montréal, soit une chute de 10%, indiquent les données de la SCHL. Dans la région métropolitaine, le loyer a glissé de 1087$ à 997$ pendant la même période.

Le message pour les propriétaires est de plus en plus clair: affichez au bon prix, ou vous ne louerez pas. «Il y a beaucoup de concurrence, confirme Martin Cheff, fondateur du site alouermontreal.com. Il faut que le prix soit fixé intelligemment, sinon le condo peut rester vacant pendant plusieurs mois.»

Même son de cloche du côté de la courtière Monique Assouline. «Si les prix sont trop élevés, c'est sûr que le téléphone ne va pas sonner. Je montre les comparables aux propriétaires, et ils savent ce qui s'est loué à quel prix.»

Écart immense

Si les condos locatifs sont de plus en plus nombreux à Montréal, ils constituent encore une mince portion de tous les logements offerts sur le marché. Quelque 14 300 copropriétés sont ainsi utilisées à des fins locatives dans la région métropolitaine, en comparaison d'un parc de 453 522 appartements traditionnels.

L'Association des propriétaires du Québec, qui déplore souvent les règles trop strictes de la Régie du logement, se dit néanmoins pénalisée par la montée en force des condos locatifs. «Évidemment, c'est un élément supplémentaire dans la concurrence, dit son président Martin Messier. Dans l'ensemble, on a un marché qui n'est pas facile pour les propriétaires, et dans les zones où il y a plusieurs condos qui se sont construits, il y a déjà un impact.»

Les effets sont d'autant plus grands que les propriétaires de bâtiments de moins de cinq ans - condos ou appartements - peuvent se soustraire au contrôle des loyers de la Régie, en cochant une case sur le bail locatif. «Ils peuvent donc afficher à un prix très agressif, dans le but de le louer rapidement, et dans les cinq premières années, ils peuvent faire fluctuer le flux du loyer sans respecter la méthode de la Régie du logement», indique M. Messier.

La construction de nouveaux appartements traditionnels est pratiquement au point mort depuis des années à Montréal. Il s'est ajouté à peine 3700 unités depuis un an dans la région métropolitaine, tandis que 11 169 nouveaux condos ont été érigés pendant les 11 premiers mois de 2012, selon la SCHL.

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