Le ralentissement du marché immobilier observé depuis juillet pourrait n'être qu'un pâle aperçu des mois à venir, craint l'Association canadienne des conseillers hypothécaires accrédités (ACCHA).

Dans un rapport diffusé hier, le regroupement dénonce les mesures hypothécaires imposées en juillet dernier par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty. Ces nouvelles règles incluent l'abolition de l'amortissement des prêts sur 30 ans, qui obtenait la faveur de plusieurs jeunes acheteurs.

«Le marché était déjà en train de ralentir avant ces mesures, et nous ne saurons probablement pas avant le printemps prochain quel sera leur plein impact», a déploré Jim Murphy, président de l'ACCHA, en entrevue à La Presse Affaires.

Les règles adoptées en juillet constituent le quatrième tour de vis depuis 2008 pour tenter de calmer le marché immobilier canadien. Ottawa avait déjà éliminé les amortissements de 40 et 35 ans, en plus d'imposer une mise de fonds minimale de 5% à l'achat d'une propriété.

Le président de l'ACCHA se dit en faveur de la plupart de ces mesures antérieures. Cependant, Jim Flaherty a carrément «visé trop haut» l'été dernier, plaide-t-il. «C'est l'effet cumulatif qui amène un ralentissement et qui touchera l'économie du Canada en entier.»

Premiers acheteurs pénalisés

Le nombre de transactions immobilières a chuté de 8% entre juillet et octobre, un recul que l'ACCHA attribue directement aux nouvelles règles. La baisse touche surtout les premiers acheteurs, qui sont nombreux à contracter un prêt à «ratio élevé», puisque leur mise de fonds est inférieure à 20% du prix de la propriété.

Selon l'ACCHA, 17% des hypothèques à ratio élevé contractées en 2010 ne pourraient plus être accordées aujourd'hui en raison des règles plus strictes. Un repli qui touche non seulement le segment des premiers acheteurs, mais qui se répercutera sur l'ensemble du marché immobilier, croit l'association.

Cette sortie publique de l'ACCHA - qui représente 12 500 courtiers hypothécaires - contraste avec l'opinion de bien des économistes. Ceux-ci saluent l'effet calmant des mesures d'Ottawa sur le marché immobilier, qui frisait la surchauffe dans certaines régions comme Toronto.

Le prix moyen des propriétés n'a pas reculé à l'échelle nationale, et plusieurs économistes s'attendent à un rééquilibrage du nombre de transactions après le vif recul des derniers mois. Déjà, plusieurs villes sont passées d'un marché favorisant les vendeurs - et donc de fortes hausses de prix - à un marché équilibré. C'est entre autres ce qui s'est produit à Montréal.

«Il semble que l'évasif atterrissage en douceur [du marché immobilier] soit en train de prendre forme», a souligné la semaine dernière Robert Kavcic, économiste chez BMO.

En somme, les mesures imposées par Jim Flaherty semblent avoir produit exactement l'effet recherché. Un constat que rejette le président de l'ACCHA.

Selon Jim Murphy, les Canadiens font preuve d'une autodiscipline accrue depuis un an dans la gestion de leurs prêts hypothécaires.

Ainsi, 79% des propriétaires ont opté pour une hypothèque à taux fixe, contre 66% dans les années précédentes, a-t-il noté. Et un tiers des emprunteurs ont réalisé des paiements accélérés sur leurs prêts. Autant d'éléments qui militent contre la dernière ronde de règles hypothécaires, dit-il.

Dans un courriel envoyé à La Presse Affaires, le ministre Flaherty a défendu ses plus récentes mesures. Il dit «suivre constamment le marché pour éviter les problèmes à long terme observés aux États-Unis et ailleurs». Il qualifie les mesures adoptées depuis 2008 de «prudentes et ciblées».

UN MARCHÉ MULTIMILLIARDAIRE

9,7 millions: Nombre de propriétaires au Canada

- 5,95 millions: Nombre de prêts hypothécaires

- 1190 milliards: Valeur estimée de toutes les hypothèques en vigueur au Canada

- 3,55%: Taux d'intérêt moyen des hypothèques, en baisse de 0,39% sur un an

- 3,24%: Taux moyen des hypothèques renouvelées depuis le début de 2012

- 600 000: Nombre de ménages qui ont utilisé la valeur nette de leur maison pour retirer de l'argent depuis un an

- 49 000$: Montant moyen des retraits réalisés

Source: ACCHA