Harcèlement, vandalisme, problèmes de santé, poursuites judiciaires: la vie d'administrateur d'une copropriété peut devenir un véritable enfer, et le flou actuel qui entoure la législation québécoise ne fait rien pour faciliter le quotidien des gestionnaires.

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C'est ce qui ressort de la première journée de consultations publiques sur la copropriété, tenue jeudi dernier à Québec par la Chambre des notaires. Cette activité vise à étoffer la nouvelle Loi sur la copropriété, qui devrait être adoptée d'ici la fin de 2012 dans le but resserrer les contrôles entourant ce secteur d'habitation en plein boom.

Une quinzaine d'intervenants, dont plusieurs administrateurs bénévoles de syndicats de copropriété, ont étalé l'ampleur et l'ingratitude de leurs fonctions devant une table ronde d'experts. «Le travail de gestionnaire demande beaucoup trop d'heures, j'ai l'impression de ne plus avoir de vie et ma santé commence à souffrir», a raconté avec émotion Lyne Allard, secrétaire-trésorière d'un complexe de 18 condos à Québec.

Les copropriétaires évitent à tout prix de s'impliquer dans les réunions, a déploré Mme Allard, mais «il y a toujours quelqu'un pour se plaindre» dès que le moindre pépin survient. Une de ses voisines est devenue tellement harcelante à son endroit qu'elle a dû appeler la police.

Lyne Allard se dit favorable à la création d'une Régie de la copropriété, un des aspects prévus par le projet de loi. «Je serais aussi favorable à ce que toutes les copropriétés soient gérées par des sociétés de gestion, mais il faudrait que celles-ci soient réglementées.»

Poursuites

Jean Lecomte, ex-gestionnaire d'un immeuble de quatre unités à Charlesbourg, en banlieue de Québec, y est allé d'une sérieuse mise en garde. «Je veux dire à tous les administrateurs: faites attention, c'est dangereux d'être administrateur. Moi, j'ai perdu mon condo.»

Après plusieurs mésententes avec ses copropriétaires, dont une qui entraîné le vandalisme de sa moto, le comptable de profession s'est retrouvé empêtré dans des procédures judiciaires. L'aventure lui a coûté 86 000$ en frais de toutes sortes, affirme-t-il, ce qui l'a forcé à se départir de son appartement.

«Il m'apparait essentiel de confier la gestion des copropriétés à des professionnels indépendants, a-t-il plaidé. Il ne nous viendrait pas à l'idée de confier les économies de toute une vie à un voisin.»

Le niveau des cotisations au fonds de prévoyance constitue une source majeure de conflits chez les copropriétaires, révèlent en outre les diverses interventions entendues jeudi.

Les copropriétaires sont divisées entre deux écoles de pensée: payer des frais mensuels les plus bas possible et faire une cotisation spéciale lorsqu'une grosse réparation survient, ou encore verser une somme plus considérable tous les mois afin de faire un bon entretien préventif de la bâtisse.

Or, pour bien des nouveaux copropriétaires, les notions de fonds de prévoyance et de frais de copropriété sont totalement inconnues lorsqu'ils emménagent dans leur condo. Ils souhaitent garder les débours mensuels au minimum. «Bien des acheteurs de condos s'imaginent arriver à l'hôtel, où tout est pris en charge sans aucuns frais supplémentaire», a déploré Mario Caron, administrateur depuis 25 ans et copropriétaires dans la basse-ville de Québec.

L'homme propose une formation de base obligatoire pour tous les gestionnaires - la plupart du temps des copropriétaires bénévoles - ainsi qu'une obligation de documenter les activités du syndicat. Plusieurs ne tiennent aucun état financier ni procès-verbal, deux documents basiques, ont noté plusieurs intervenants.

Mario Caron souligne par ailleurs l'importance de bien lire la convention de copropriété avant d'acheter, un document qui édicte tous les règlements de l'immeuble.

Les consultations tenues à Québec font suite au dépôt d'un important rapport sur la copropriété par la Chambre des notaires à l'automne 2011. Elles serviront pour la réflexion avant l'adoption d'un projet de loi.

Des rencontres consultatives seront aussi tenues à Montréal les 29 et 30 mars, de même que le 13 avril.