Les Canadiens sont sortis indemnes de la crise des prêts hypothécaires à risque traversée par le voisin américain, mais aujourd'hui le niveau record d'endettement des ménages et la flambée des prix des appartements font surgir le spectre d'une bulle immobilière.

«Bien que la situation du Canada soit différente de celle des États-Unis en 2006, la vague continue de construction d'appartements et les prix des maisons à des niveaux incompatibles avec la croissance des revenus des ménages soulèvent des questions...», notait cette semaine l'économiste en chef de la Banque de Montréal, Sherry Cooper.

L'année 2006 avait marqué l'apogée de la bulle immobilière aux États-Unis, avant l'explosion de la crise des «subprimes». Les défauts de paiement de ces crédits hypothécaires, consentis à des emprunteurs peu solides, avaient provoqué les premières faillites de banques, enclenchant une crise mondiale.

Depuis 2006, les prix des appartements et maisons ont progressé de 30% au Canada avec une pointe de 54% à Vancouver, métropole de la côte Pacifique où le prix moyen d'un appartement avoisine 780 000$ canadiens, selon les données de l'Association canadienne des courtiers immobiliers.

Les villes cosmopolites de Toronto et Vancouver sont les deux principales sources de préoccupations sur le marché immobilier canadien. Un pavillon dans un secteur recherché de Vancouver peut facilement dépasser le million de dollars, un appartement sans cachet à Toronto se négocie à un demi-million.

«Défiant toute logique, le marché de l'immobilier résidentiel au Canada a surpassé les attentes en 2011», résumait récemment le plus grand courtier immobilier du pays RE/MAX.

«Le secteur immobilier au Canada continue de caracoler en tête dans le groupe des pays développés», profitant de taux presque plancher, note la banque Scotia.

Si les prix ont flambé, les propriétaires se sont endettés. Selon la Banque du Canada, l'endettement des ménages atteint actuellement un niveau record, à 153% du revenu disponible, un niveau flirtant avec celui des États-Unis lors de l'éclatement de la bulle immobilière.

Et les prêts immobiliers représentent les deux-tiers de l'endettement total des ménages, selon la Société canadienne d'hypothèque et de logement (SCHL), premier assureur hypothécaire du pays.

Une éventuelle hausse du taux directeur ou des pertes massives d'emplois, avec une économie mondiale atone, pourraient faire dévisser le secteur immobilier, les propriétaires les plus vulnérables devenant incapables d'assumer le service des hypothèques contractées sur des résidences achetées au prix fort.

Dérive des crédits immobiliers?

Les banques canadiennes proposent actuellement des taux hypothécaires concurrentiels à 2,99% sur fond d'un gel attendu jusqu'en 2013 du taux directeur de la banque centrale à 1%, ce qui facilite l'accès à la propriété malgré la flambée des prix.

Dans des documents internes publiés cette semaine dans la presse, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), le régulateur du secteur au Canada, s'inquiète du comportement «de plus en plus libéral» des grandes banques canadiennes qui concèdent des prêts hypothécaires à des particuliers sans que ces derniers aient à prouver leurs revenus.

Certains prêts, accordés notamment aux travailleurs autonomes et immigrants récemment arrivés au Canada «présentent quelques similitudes avec les crédits "subprime" sur le marché américain», indiquait le BSIF. «C'est un sujet d'inquiétude», a reconnu le ministre des Finances, Jim Flaherty.

Dans la foulée de la crise des «subprime», Ottawa a resserré les conditions d'accès du crédit en ramenant de 40 ans à 30 la durée maximale d'une hypothèque, et en imposant une mise de fonds initiale de 5%.

Et devant la crainte d'une contraction soudaine du secteur immobilier, des voix s'élèvent pour restreindre à nouveau les conditions d'accès à la propriété.