Le projet immobilier du Groupe Catania dans un ancien pavillon de l'Université de Montréal continue de faire des vagues. Le promoteur tiendra ce soir un événement «portes ouvertes» dans un condo modèle, et ce, même si l'UdeM est toujours propriétaire du bâtiment, ce qui fait bondir des citoyens.

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«Je suis scandalisé de toute la démarche de l'Université là-dedans, c'est incroyable», s'est insurgé l'avocat Richard Tétrault, résidant d'Outremont qui suit le dossier depuis ses débuts.

L'UdeM a acquis en 2003 l'ancien couvent des soeurs des Saints noms de Jésus et de Marie, situé sur le flanc du mont Royal, en vue de le convertir en locaux d'enseignement. Citant des coûts de rénovation trop élevés, l'Université a revendu le bâtiment en 2008 à Catania pour 28 millions de dollars. Le groupe compte y ériger 142 appartements ultraluxueux.

Outré, un regroupement citoyen a déposé une requête contre la Ville de Montréal pour faire invalider le règlement qui a permis la conversion de l'ancien couvent. D'ici à ce que la cause soit entendue en février prochain, l'UdeM et Catania ne peuvent conclure la transaction.

Entente de location

Or, l'Université a conclu une entente de location de deux ans avec le promoteur, ce qui a permis à Catania d'ériger un condo-témoin de 2000 pieds carrés dans le bâtiment. C'est cette unité que pourront visiter ce soir des acheteurs potentiels du projet Château Maplewood, dont les appartements se détaillent entre 750 000$ et 12 millions.

Comme plusieurs autres Montréalais, Richard Tétrault en veut à l'UdeM de renier la vocation institutionnelle du bâtiment. «Je suis offusqué parce que c'est vraiment un détournement de bien public incroyable. Je trouve que l'Université n'a aucune justification pour tout ce qu'elle a fait.»

Pierre Labelle, porte-parole du Rassemblement pour la sauvegarde du pavillon 1420, boulevard du Mont-Royal, se dit lui aussi «surpris» de cette soirée portes ouvertes. «Je me demande comment il se fait que l'Université de Montréal permette un tel événement en ses murs.»

L'Université de Montréal, sévèrement critiquée depuis le départ dans ce dossier, se défend de quelque mauvaise pratique que ce soit. D'emblée, la directrice des communications, Sophie Langlois, affirme que l'Université n'a pris aucun «engagement moral» envers les soeurs de laisser au bâtiment sa vocation institutionnelle.

La porte-parole nie aussi que l'Université ait mal fait son travail de vérification de l'état de la bâtisse en 2003. Elle fait valoir qu'il s'agissait de la seule possibilité d'expansion du campus à l'époque, alors que l'UdeM a aujourd'hui un projet de construction de plus de 1 milliard à la gare de triage d'Outremont.

L'événement portes ouvertes de ce soir ne pose par ailleurs aucun problème à l'Université. «Catania a avec nous un contrat d'occupation, ils ont accès à ce condo modèle là», a souligné Mme Langlois. Selon elle, l'entreprise verse à l'UdeM un loyer mensuel de 46 000$ pour utiliser une portion du bâtiment, ce qui totalisera plus de 1,1 million de dollars au bout du contrat de deux ans conclu entre les deux parties.

André Fortin, président de Catania Groupe immobilier, plaide lui aussi que l'événement de ce soir est tout à fait légitime. Son groupe exploite déjà un centre des ventes, et plusieurs acheteurs potentiels ont déposé des promesses d'achat. Les portes ouvertes sont une continuité du processus déjà enclenché, fait-il valoir en somme.

«Ce n'est pas une soirée où il y a un orateur en avant qui explique le projet, a-t-il dit à La Presse Affaires. Les représentants seront là pour répondre aux questions des clients. C'est une soirée qui se veut intime.»

M. Fortin souligne que Catania a acheté le bâtiment en toute transparence, en répondant à l'appel d'offres lancé par l'UdeM. La démarche n'avait d'ailleurs attiré aucun autre acheteur potentiel.

Aussi, même s'il est critiqué, le projet du Château Maplewood a reçu le feu vert de plusieurs instances, dont l'Office de consultation publique, a ajouté M. Fortin. Il indique que les récriminations des groupes citoyens visent la Ville de Montréal ainsi que l'UdeM, et non Catania.

La requête en nullité visant la Ville doit être entendue en Cour supérieure en février, après un premier report. Le groupe de citoyens à l'origine de la démarche vient d'embaucher un avocat spécialisé en droit municipal, et il organisera un concert-bénéfice pour financer la coûteuse procédure judiciaire, a-t-on appris.