Vanessa Casanovas en avait assez de vivre en colocation. Le mois dernier, la Montréalaise a visité cinq appartements et trouvé en moins d'une semaine «un grand 3 1/2» qui répondait à tous ses critères.

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«Ç'a été facile, je dirais que j'ai été chanceuse», dit la travailleuse autonome de 31 ans, qui paiera 700$ par mois pour son nouveau logis du quartier Villeray.

La chance a peut-être joué un petit rôle dans cette recherche éclair. Mais l'état actuel du marché locatif a sans aucun doute favorisé Mme Casanovas. Selon les données publiées hier par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), le taux d'inoccupation des logements est resté stable ce printemps à Montréal, à 2,5%. Loin de la pénurie du début des années 2000, alors que le taux était de 0,6% - l'équivalent de 6 logements inoccupés sur 1000.

David L'Heureux, analyste principal de marché de la SCHL à Montréal, refuse toutefois de qualifier le marché d'équilibré. «Depuis quelques années, on essaie de ne pas trop parler d'équilibre, car cette donnée peut varier d'une région à l'autre et d'une année à l'autre. Mais sans parler d'équilibre, on observe une grande stabilité depuis quelques années.»

L'analyste souligne que la baisse de 0,3% du taux d'inoccupation sur un an n'est pas significative sur le plan statistique.

En avril, 11 163 logements étaient inoccupés sur les 451 041 de la région métropolitaine, indique la SCHL. Les pancartes à louer sont nombreuses dans les rues, tout comme les annonces sur les sites commerciaux. Sur Kijiji, par exemple, des dizaines de propriétaires offrent même des mois de loyer gratuits pour attirer les locataires potentiels.

Familles désavantagées

Le choix est plus vaste qu'il y a 8 ou 10 ans, mais les familles demeurent désavantagées, tonnent les groupes de défense des locataires. La situation a même empiré depuis un an.

Depuis avril 2010, le taux d'inoccupation des appartements de deux chambres à coucher est passé de 2,4% à 1,9%, tandis que celui des logements de trois chambres a glissé de 2,1% à 1%. Pendant ce temps, celui des studios - souvent destinés aux personnes seules - a grimpé de 5,3% à 6,2%, indiquent les données de la SCHL.

Pour régler le problème, les promoteurs devraient bâtir beaucoup plus de logements locatifs, lance le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). «En 2010, à peine 2472 logements locatifs ont été mis en chantier, alors que 10 457 l'ont été en condominiums, a fait valoir le coordonnateur, François Saillant, dans un communiqué. C'est encore pire depuis le début de 2011, alors que les mises en chantier de condos sont cinq fois plus importantes que celles de logements locatifs...»

La réponse de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), qui défend les intérêts des propriétaires, est cinglante: les loyers - et les augmentations permises par la Régie du logement - sont tout simplement trop faibles pour justifier l'érection de nouveaux immeubles locatifs. En avril dernier, le coût moyen d'un logement était de 678$ par mois à Montréal, en hausse de 13$ sur un an.

«Il n'y a pas d'intérêt pour les investisseurs, a souligné Hans Brouillette, porte-parole de la CORPIQ. Le prix moyen d'un plex est de 400 000$ à Montréal, c'est impossible d'arriver avec un loyer moyen de 678$.»

Appartements de luxe

Certains promoteurs se lancent malgré tout dans la construction d'appartements locatifs, comme Canvar, qui érige ces jours-ci une tour de 40 étages à l'angle de René-Lévesque et Bleury, au centre-ville. L'immeuble abritera un hôtel Marriott Courtyard et environ 200 logements.

Canvar a déjà construit un projet mixte du genre à l'angle de Sherbrooke et du Parc - le Hilton Garden Inn - en 2008. Les 200 appartements, qui ont un accès au gymnase et à la piscine de l'hôtel, ont tous été loués. «On a fait nos études de marché, on a vécu l'histoire sur Sherbrooke et on est persuadés que notre nouveau projet va bien se louer», a indiqué Pierre Varadi, fondateur de l'entreprise de construction.

Le marché pour les appartements haut de gamme - souvent des condos détenus par des particuliers - se porte bien dans la métropole. Plutôt que d'habiter leur logement, environ 10% des propriétaires de condos de la métropole les offrent en location à des prix bien plus élevés que les logements «traditionnels».

Quelque 10 000 condos sont ainsi loués dans la région métropolitaine, au prix moyen de 1125$ par mois, selon une étude publiée l'automne dernier par la SCHL. Le loyer moyen grimpe à 1334$ dans l'île de Montréal.

Ailleurs au pays

À l'échelle québécoise, le taux d'inoccupation des logements est demeuré stable à 2,4% en avril. Le loyer moyen des appartements de deux chambres était de 671$, en hausse de 19$ sur un an. Il s'agit du loyer le moins cher de toutes les provinces, la moyenne canadienne étant de 864$, souligne la SCHL.

Malgré cette faiblesse relative des loyers, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec dénonce les hausses trop salées, notamment pour les appartements de trois chambres à Montréal. Leur coût mensuel a augmenté de 5% depuis un an, à 886$ en moyenne.

«Il ne faut pas s'étonner que le nombre de ménages en défaut de paiement ne cesse de croître, a fait valoir l'organisme. Plus de 45 000 ménages se sont retrouvés en défaut de paiement cette année.»

La situation des locataires est particulièrement critique en Abitibi, dénonce pour sa part le FRAPRU, avec un taux d'inoccupation de 0% à Val-d'Or et de 0,4% à Amos.