La Ville de Blainville a vendu sans tambour ni trompette et à des conditions avantageuses un terrain zoné commercial de plus 1 million de pieds carrés en bordure de l'autoroute des Laurentides à la hauteur de la sortie 28, expressément conçue pour le projet mort-né de centre commercial du Lac Mirabel.

À 9 217 000$, le prix payé par le promoteur Les constructeurs Laurence, propriété de Gilles Laurence, correspond à 35 000$ près à la valeur des terrains apparaissant au rôle d'évaluation municipale où l'un des trois lots vendus est évalué à 1$. L'acquéreur a obtenu le privilège de profiter d'une diminution de son prix de vente s'il dépasse ses obligations de construction imposées dans l'acte de vente. De plus, l'acheteur se fait financer 90% du prix d'achat par la Ville pendant cinq ans à un bas taux d'intérêt, soit le taux préférentiel (actuellement de 3%) plus 175 points de base. Les banques ne financent habituellement pas l'achat de terrain.

La proposition retenue n'est pas celle proposant le prix le plus élevé, reconnaît Yves Meunier, directeur des communications de la Ville de la région des Basses-Laurentides. «La soumission retenue était celle qui proposait une occupation plus grande du sol donc générait plus de taxes municipales pour la Ville. Indépendamment du prix proposé, elle va générer plus de retombées pour la municipalité», dit M. Meunier. Les détails du projet commercial ne sont pas encore rendus publics.

Il s'agit du plus grand terrain vendu par la Ville dans le cadre d'une transaction unique, confirme M. Meunier. Ce terrain devait servir à accueillir le village des Jeux du Canada 2013 qui ont finalement échappé à Blainville. La Ville a acquis la grande partie des lots en 2001 à la suite du non-paiement des taxes par le propriétaire précédent. La sortie 28 a été aménagée en 2009, en vue de la réalisation du centre Lac Mirabel.

Avec sa façade sur l'autoroute 15, l'emplacement se veut stratégique pour des magasins et des restaurants. La Ville de Blainville a vendu le terrain servicié (réseau d'eau et égout) par l'entremise d'un appel d'offres sur invitation pour lequel elle a reçu trois soumissions. Aucun courtier n'a été mandaté. L'appel de propositions n'a pas fait l'objet de diffusion dans les journaux locaux et nationaux, ni sur le système d'appel d'offres SEAO.

Cette discrétion a limité le jeu de la concurrence entre les promoteurs, ce qui a pu avoir un impact à la baisse sur le prix proposé. «Tout ce qui est Rive-Nord, entre Laval et Saint-Jérôme, attire beaucoup d'attention de la part des entreprises», dit le courtier Brett Miller, responsable du bureau montréalais de CB Richard Ellis, important courtier de la métropole qui, avant notre appel, n'avait jamais attendu parler de la mise en vente de ce terrain de 122 501 mètres carrés.

Pourquoi Blainville n'a-t-elle pas procédé par appel d'offres public étant donné la valeur stratégique du terrain? «Les invitations ont été faites comme ça se fait dans d'autres dossiers (de vente de terrains) par invitation à partir de gensdont on sait qu'ils sont dans la business», a répondu M. Meunier. Quant à la question du financement à bas taux, le directeur répond qu'il s'agit d'un outil mis à la disposition de la Ville pour intéresser un plus grand nombre de promoteurs. Rien dans la Loi sur les cités et villes n'interdit aux municipalités de vendre des immeubles de gré à gré et de financer en tout ou en partie l'acheteur, soutient Me Marc-André LeChasseur, avocat spécialiste du droit municipal chez Poupart&LeChasseur, à qui on a demandé avis.

Dans le cas qui nous occupe, le processus a fait l'objet de plusieurs résolutions du conseil municipal et la Ville a produit un volumineux document détaillant les conditions régissant l'appel de propositions du projet intitulé Kilomètre 28. «Les conditions étaient bien indiquées dans l'appel de propositions», assure Lorne Miller, de Proforma Construction, qui possède plus de 800 000 pieds carrés de terrains contigus aux lots mis en vente par la Ville.

Proforma a été l'un des soumissionnaires. Le troisième, Syscomax, bien connu à Blainville, n'avait pas de critique à faire lui non plus à propos du processus de vente.

Le premier bâtiment devrait être érigé d'ici la fin de 2012 et l'ensemble du projet d'ici la fin de 2016. Des pénalités sont prévues si jamais le promoteur ne termine pas les bâtiments dans les délais prévus. La Ville a aussi un droit de premier refus en cas de revente du terrain à un tiers.