L'eau n'est pas encore évacuée du sous-sol des maisons inondées que, déjà, des courtiers prédisent une période de vaches maigres pour la revente immobilière le long du Richelieu.

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«Les gens vont y penser avant d'acheter, lance Réal Beaulac, courtier au Groupe Sutton Millenia de Saint-Jean-sur-Richelieu. Ils vont penser à ce qui s'est passé à Saint-Jean et dans les autres régions, ça va laisser des séquelles pour les cinq prochaines années.»

Seulement à Saint-Jean, 800 résidences ont été frappées par la crue des eaux, dont 351 sont sérieusement endommagées, indiquent des données publiées par la Ville. Le scénario se répète à Venise-en-Québec, Noyan, Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix et plusieurs autres municipalités le long de la rivière Richelieu et autour du lac Champlain.

Ce n'est pas la première fois que la région est frappée par des inondations, et les acheteurs de propriétés riveraines sont généralement bien au fait des risques potentiels. Mais, cette année, plusieurs maisons situées dans des zones dites sécuritaires ont été touchées, ce qui laisse présager un ressac au moment de la revente.

«Je pense, et c'est un avis personnel, que ça va être difficile de vendre ces propriétés-là, fait valoir Danielle Dagenais, courtière chez Royal LePage St-Jean. L'impact sur le prix? C'est sûr que la demande va être inférieure à l'offre...»

Mme Dagenais tente elle-même de vendre une maison dans un quartier inondé.

L'intérêt des acheteurs potentiels a tari d'un coup sec quand l'eau a commencé à faire ses premiers ravages, raconte-t-elle.

«C'était une maison qui suscitait énormément d'intérêt, j'avais énormément d'appels, beaucoup de visites, dit la courtière. Mais, depuis deux semaines, on oublie ça: je n'ai plus d'appels du tout.»

Pierre Durocher, citoyen de Saint-Jean-sur-Richelieu, a mis en vente sa maison du chemin des Patriotes sur le site DuProprio il y a environ un mois. La luxueuse maison, au bord de la rivière, n'a pas été touchée par les inondations, mais le rythme des appels a baissé quand l'eau a commencé à monter, confie-t-il.

L'homme est préparé à faire preuve de beaucoup, beaucoup de patience. «On a une autre résidence à Bromont, on est vraiment prêts à attendre notre prix, indique M. Durocher. Si ça prend deux ou trois ans, on va attendre.»

Dégâts

La reconstruction n'a pas commencé dans la région. Quelque 3000 maisons sont encore inondées, et l'eau devra encore baisser de 1,1 mètre - au rythme de 2 à 4 cm par jour - avant le retour à la normale.

L'après-crise posera tout un défi pour les acheteurs de propriétés, qui devront faire preuve d'une grande prudence au moment de l'inspection. Surtout dans des secteurs moins nantis - comme Noyan ou Saint-Blaise -, où les propriétaires n'ont pas nécessairement d'assurances, avance la courtière Danielle Dagenais.

«L'inquiétude, c'est de savoir de quelle façon ce sera réparé, dit-elle. Vont-ils juste assécher ou enlever le bas des murs pour bien assécher et désinfecter?»

Réal Beaulac, de Sutton, indique pour sa part s'attendre à une baisse du prix des terrains au bord de l'eau, dont la demande - et les prix - était assez élevée jusqu'à tout récemment. «Je pense que c'est fini, pour les cinq prochaines années.»

À plus long terme, les changements que Québec pourrait apporter aux zones définies comme inondables risquent d'avoir un impact sur les marchés immobiliers de la région, souligne Patrick Juanéda, président du conseil d'administration de la Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM).

«J'imagine qu'à très court terme, il va y avoir une forme de panique, c'est dans l'esprit des gens, on en parle tous les jours, a-t-il noté. Probablement qu'à plus long terme, les gens vont beaucoup plus se fier aux zones qui sont catégorisées comme zones à risque.»

Le prix médian des maisons individuelles de Saint-Jean-sur-Richelieu, tous quartiers confondus, s'est élevé à 215 000$ l'an dernier, en hausse de 5% sur un an, selon la CIGM. Le nombre de transactions est demeuré stable en 2010, après avoir baissé de 2% et 10% pendant les deux années précédentes.