L'arrondissement de Ville-Marie veut revitaliser de fond en comble le secteur moribond de Sainte-Marie, situé à l'est du pont Jacques-Cartier. Et il mise sur une industrie qui connaît une effervescence insoupçonnée pour y parvenir: la culture.

L'ancien quartier ouvrier, qui s'étend de part et d'autre de la rue Ontario, entre les rues Champlain et Lespérance, est moribond depuis des décennies. Locaux déserts, terrains vagues, commerces douteux, rien d'invitant pour les promoteurs immobiliers, les entreprises ou même les simples promeneurs.

Le commerce sur rue vivote. Le quartier est l'un des moins densément peuplés du centre de Montréal. Pour survivre, les restaurants et les boutiques dépendent des travailleurs qui viennent le jour, une clientèle qui s'est érodée à mesure que les nombreuses usines fermaient, ces dernières années.

«C'est un quartier qui a eu sa part de problèmes sociaux et d'abandon au fil des années, reconnaît Jean Perron, directeur de la Société d'investissement de Sainte-Marie, organisme à but non lucratif voué au développement économique. On n'a pas vu à ce quartier depuis des années et c'est en train de changer.»

Un promoteur immobilier est en voie d'acquérir le centre commercial délabré qui se trouve à l'est du métro Frontenac pour y ériger un vaste immeuble commercial et résidentiel. Des dizaines d'entrepreneurs érigent des immeubles à condos. La Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) planche sur un important projet sur un terrain industriel désaffecté de la rue Ontario.

Sans tambour ni trompette, Sainte-Marie grouille d'activité commerciale. Le quartier est devenu un véritable pôle pour l'industrie culturelle.

Des entreprises y ont afflué par dizaines au cours des dernières années, attirées par les loyers abordables, la proximité du centre-ville et de deux stations de métro, Frontenac et Papineau. D'anciens immeubles industriels ont été convertis pour aménager des studios, notamment l'immeuble Grover et celui qui abrite le Chat des artistes, rue Parthenais. La Ligue nationale d'improvisation (LNI) et l'École nationale de l'humour y ont établi leur siège social. On trouve aussi des théâtres comme le Lion d'Or et L'Espace Libre.

Le Groupe MHM, qui comprend notamment les Éditions Hurtubise, s'est établi rue de Lorimier en 1997. À l'époque, les piqueries étaient légion et le bunker abandonné des Rock Machine se trouvait à quelques mètres de son siège social. Il y a deux ans, l'entreprise a jonglé avec l'idée de déménager, mais s'est ravisée.

«Les employés aiment beaucoup l'endroit où l'on est, indique le directeur général, Arnaud Foulon. Et la proximité du centre-ville et du métro reste très attrayante pour une entreprise comme la nôtre. Il y a peu d'entreprises qui ont un entrepôt de plusieurs milliers de pieds carrés qui se situe tout près d'un métro.»

Pas moins de 250 télédiffuseurs, stations de radio, éditeurs, artistes et autres studios d'enregistrement ont pignon sur rue à Sainte-Marie, pour un total 7500 employés. L'ébullition de l'industrie culturelle est devenue telle que l'arrondissement souhaite qu'elle serve de tremplin aux projets commerciaux et immobiliers.

«Lorsqu'on parle de culture à Montréal, on pense souvent au Quartier des spectacles, dit Sylvain Villeneuve, responsable de l'aménagement urbain et des services aux entreprises à Ville-Marie. Mais ici, on parle d'un axe de culture émergente qui est avancé pour ce secteur.»

L'arrondissement a récemment publié l'ébauche d'un Programme particulier d'urbanisme (PPU) qui dictera les grandes orientations du développement de Sainte-Marie dans les prochaines années. Il prévoit en outre investir 11 millions de dollars pour élargir les trottoirs, moderniser le mobilier urbain et aménager une place publique dans le stationnement à ciel ouvert situé en face de l'usine JTI MacDonald. On forcera aussi les propriétaires de la rue Ontario à tenir des commerces au rez-de-chaussée.

Ville-Marie veut aussi attirer de nouvelles entreprises à vocation culturelle. Aucune mesure d'encouragement n'est prévue, mais l'arrondissement pourrait assouplir certaines exigences réglementaires pour les projets qui s'insèrent dans sa vision de développement.

Attirer des résidants

Et surtout, il mise sur la construction de 2000 nouveaux logements afin d'amener de nouveaux résidants dans le quartier.

«La clé de la revitalisation, c'est qu'on peut faire des investissements dans le domaine public, souligne M. Villeneuve. Mais si l'on veut avoir une structure commerciale ou un développement culturel intéressant, il faut qu'il y ait des résidants qui s'établissent dans le secteur. L'accroissement de la population va faire en sorte qu'on va arriver à un achalandage plus grand au niveau des commerces.»

Le Regroupement des commerçants de la rue Ontario a recensé 17 terrains et locaux commerciaux vacants ou abandonnés entre l'avenue Papineau et la rue Lespérance. Le directeur de l'organisme, Yves Bolduc, a bon espoir que l'adoption du PPU entraînera un essor commercial dans le quartier,

«Il y a des investisseurs qui n'attendent que l'adoption du PPU pour venir s'établir dans le quartier, affirme M. Bolduc. En ce qui concerne la spéculation immobilière, c'est tombé mort au cours des deux dernières années, mais ça change.»