Neuf milliards de dollars. C'est la somme que Kigali compte investir dans la construction d'un tout nouveau centre-ville aux allures futuristes, dans l'espoir de devenir un véritable centre des affaires pour toute l'Afrique de l'Est.

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Le pari est immense pour la capitale du Rwanda, pays qui a fait les manchettes il y a à peine 17 ans pour son génocide. Mais les choses ont bien changé dans la nation de 11 millions d'habitants, qui a réformé de fond en comble ses politiques commerciales depuis trois ans en vue d'attirer des investissements étrangers.

«Vous avez la garantie qu'en opérant à partir du Rwanda, vous opérerez en toute liberté économique, vous garderez tous les bénéfices pour vous et qu'il n'y aura pas de partage avec des hommes politiques», a affirmé le premier ministre rwandais, Bernard Makuza, en entrevue à La Presse Affaires en marge du MIPIM, congrès immobilier qui se déroule cette semaine à Cannes.

La transformation économique du minuscule pays a commencé avec la création d'un office d'investissement inspiré de Singapour, sorte de guichet unique pour les gens d'affaires. «L'enregistrement des sociétés se fait en maximum 24 heures, en personne ou sur le web, et les permis de construction sont délivrés en 30 jours maximum», souligne M. Makuza.

La modernisation des façons de faire a porté ses fruits. Des groupes internationaux comme Barclays Capital, Marriott, Heineken et Air France-KLM se sont installés à Kigali ces dernières années, dressant les premières pierres de ce qui pourrait devenir un véritable centre des affaires régional, espèrent les autorités.

«Nous avons l'avantage de la situation géographique, dit Bernard Makuza. Le Rwanda est en plein coeur d'un marché commun de 130 millions d'habitants en Afrique de l'Est, et nous avons le COMESA (Marché commun de l'Afrique orientale et australe), qui regroupe 430 millions de personnes.»

Chiffres à l'appui

Les paroles du premier ministre Makuza sont bien optimistes, mais les chiffres laissent aussi croire au potentiel du pays. Le produit intérieur brut (PIB) y a grimpé en moyenne de 8,8% depuis 2005. Et le PIB par habitant, bien que minime, a triplé depuis 2000, passant de 200$ à 600$.

Les organisations internationales donnent aussi du poids aux prétentions économiques rwandaises. En 2009, la Banque mondiale a classé le pays au premier rang mondial des «réformateurs» pour les améliorations qu'il a apportées dans le secteur des affaires. Le Rwanda a ainsi grimpé de la 143e à la 67e place au classement mondial «Doing Business» de la Banque, un bond jamais vu.

La corruption reste présente, mais encore là, les réformes gouvernementales de «tolérance zéro» semblent amener des résultats. Le Rwanda a monté de la 89e à la 66e place dans le plus récent rapport annuel de Transparency International sur la corruption, sur un total de 178 pays.

Il reste que le vaste projet de 9 milliards au centre-ville de Kigali - qui comprend des tours de bureaux futuristes, des hôtels et des résidences - peut sembler un brin exagéré dans un pays où le citoyen moyen vit avec moins de 2$ par jour. Fidèle Ndayisaba, nouveau maire de la ville, insiste qu'il est «réaliste» et souligne que la construction s'étalera sur de 20 à 30 ans.

La municipalité a déjà bâti un réseau de fibre optique dans le futur quartier des affaires pour attirer les entreprises. Certains immeubles sont en construction, mais un grand pan du projet est en attente de financement. La curiosité des investisseurs internationaux est toutefois grande, comme en témoignent les nombreux gens d'affaires qui s'arrêtent depuis mardi au stand flamboyant de Kigali, au MIPIM, où une maquette détaillée du projet est exposée.

Liberté de la presse

Malgré ses ambitions et des progrès économiques évidents, le régime du président rwandais Paul Kagame fait l'objet de nombreuses critiques. Reporters sans frontières (RSF) dénonce notamment la répression envers les journalistes, dont l'exemple le plus récent remonte aux élections d'août dernier.

Une trentaine d'organes de presse ont alors été suspendus à quelques semaines du scrutin, ce qui, selon RSF, démontre clairement le refus du pouvoir «de se soumettre au jeu démocratique».

Pour l'heure, selon le premier ministre Bernard Makuza, le plus important est toutefois que les Rwandais semblent enfin prendre conscience du plein potentiel de leur pays. Notamment de ses ressources naturelles. «Le gaz méthane n'est pas né hier ou en 1994. Il existe depuis la naissance du pays, mais il n'y a jamais eu un leadership qui dise: voilà qui peut être utile dans le développement économique du pays.»