Ashraf El Gharib montre d'abord les images rutilantes des tours de bureaux que son groupe, Rooya, compte ériger en banlieue du Caire. Puis, il pointe un drapeau égyptien, dressé discrètement dans un coin de son kiosque de présentation.

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«Le drapeau que vous voyez derrière moi, je l'ai porté à la place Tahrir pour manifester contre le régime Moubarak», dit le directeur des ventes de Rooya, encore ému de la chute du dictateur qui a dirigé son pays pendant 30 ans.

Une poignée de sociétés égyptiennes ont fait le trajet jusqu'à Cannes cette semaine pour présenter leurs projets au MIPIM, le plus grand congrès mondial en immobilier. Les promoteurs sont venus ici pour vendre les attraits de leurs vastes complexes multifonctions, mais les discussions dérivent inévitablement vers la révolution toute récente.

Ashraf El Gharib l'admet: le changement de régime est mauvais «à court terme» pour les affaires en Égypte. Le projet de 2 millions de pieds carrés prévu par son entreprise ne lèvera pas de terre avant au moins un an en raison de l'incertitude qui règne au pays, a-t-il dit hier à La Presse Affaires. Mais il prévoit que les investisseurs seront de retour - en grand nombre - d'ici 12 mois, une fois la stabilité politique rétablie.

«Avec les réformes, cela va donner un nouveau souffle à l'économie», croit le dirigeant.

Plus de transparence

L'équipe de Cairo Festival City, autre projet d'envergure prévu dans la banlieue du Caire, partage le même enthousiasme. Ahmad Touni, directeur du développement commercial et résidentiel du promoteur Al-Futtaim, est persuadé que la liberté nouvelle de son peuple aura un impact favorable sur les affaires à moyen terme.

Selon M. Touni, le pays «ne retournera jamais à l'avant 25 janvier», premier jour des révoltes populaires qui ont mené à la démission d'Hosni Moubarak. «L'Égypte se dirige vers la démocratie, vers des réformes, je crois que c'est bon pour l'investissement.»

L'homme d'affaires croit que les capitaux étrangers seront de retour d'ici de trois à six mois en Égypte, après la tenue d'élections présidentielles. «La démocratie amène de la transparence et moins de corruption. C'est beaucoup plus attirant pour les investisseurs.»

Égalité des chances

Le changement de régime amorcé en Europe laisse aussi entrevoir un climat d'affaires plus sain pour les sociétés égyptiennes elles-mêmes, croient les représentants rencontrés à Cannes. Après trois décennies de favoritisme envers les amis du pouvoir, les chances seront plus égales pour tous, espèrent-ils.

Rooya, septième groupe immobilier en importance au pays, serait aujourd'hui beaucoup plus grosse n'eût été les avantages donnés aux entreprises qui soutenaient le régime Moubarak, croit son directeur des ventes, Ashraf El Gharib. «Nous faisons partie des désavantagés: nous avons payé notre terrain beaucoup plus cher que d'autres privilégiés, qui avaient aussi accès à du financement beaucoup plus facilement.»

L'homme se réjouit toutefois en pensant que le pouvoir - et l'accès aux ressources - «ne sera plus entre les mains de 30 ou 45 familles».