Éviction ne rime pas toujours avec pauvreté.

Paul*, un homme d'âge mûr, est facteur pour Postes Canada. Il a un bon emploi payé plus de 50 000$ par année... mais aussi un gros problème de jeu, qui absorbe une bonne partie de ses revenus.

Paul doit 3200$ au propriétaire du gros immeuble de Brossard où il habite, à quelques centaines de mètres du Mail Champlain. Et deux autres mois de loyer impayé. Il a reçu de nombreux avertissements au fil des mois, sans broncher.

C'est aujourd'hui jour d'expulsion. Toute une équipe est en place pour exécuter l'opération: un huissier, trois déménageurs, le concierge de l'immeuble, un fonctionnaire de la Ville, deux représentants de Postes Canada. Mais le principal intéressé n'y est pas. Il est au travail.

L'appartement de trois pièces est minuscule et puant. Une forte odeur d'excréments de chats saisit aux narines dès qu'on y pénètre, ce qui contraste avec l'apparence soignée de l'immeuble. Dans le frigo, de vieux restants abandonnés depuis longtemps sont recouverts d'une couche verte de moisissure. Au mur, la photo d'un enfant est accrochée, son fils peut-être.

Les déménageurs se mettent à l'oeuvre. Il y a des vêtements partout sur le sol, quantité de matériel électronique démonté, mais peu de meubles. «Ce ne sera pas une grosse job», dit un des hommes.

Les deux représentants de Postes Canada, pendant ce temps, fouillent l'appartement pour s'assurer qu'aucun «matériel postal» ne s'y trouve illégalement. Ils connaissent bien leur employé et ses problèmes.

Le locataire arrive au beau milieu de l'exercice. Maigre, silencieux, résigné. On lui explique une situation qu'il connaît déjà. Il ramasse deux sacs de vêtements et d'effets personnels qui lui serviront au cours des prochains jours, tandis que ses autres possessions prendront le chemin de l'entrepôt.

Il repart au travail à pied, le dos vouté dans son uniforme trop grand pour lui.

*Le nom a été changé pour préserver l'anonymat.