La Presse Affaires vous présentait hier les difficultés vécues par des propriétaires aux prises avec des mauvais payeurs. Une situation s'éternise parfois devant la Régie du logement, au point d'inquiéter la Protectrice du citoyen. Une fois toutes les démarches complétées et les recours épuisés, arrive l'expulsion. Trois cas vécus, dont nous avons été témoins.

Karine* est en furie. Après quatre mois de loyer impayé, qui totalisent 3000$, son propriétaire a obtenu un ordre de la cour pour l'évincer. L'huissier et les déménageurs sont débarqués ce matin à 7h30 dans son appartement de St-Hubert, sur la Rive-Sud de Montréal, et la jeune femme de 19 ans ne le digère pas.

Deux policières qui la connaissent bien sont sur place et tentent de la calmer. Ses colères sont fréquentes, comme en témoignent les nombreux trous dans les murs du petit quatre pièces autrement propret.

«Si tu es pour faire de la merde, retourne dans ta chambre!  lui lance une des agentes.

-Ne me traite pas comme si j'étais au centre d'accueil! réplique la jeune adulte, au penchant marqué pour les drogues et la chicane.

-Tu nous forces à te traiter comme ça.»

Les déménageurs embauchés par le propriétaire du gros immeuble travaillent à toute vitesse. La mère de Karine est partie à la Régie faire une demande de rétractation. Si la stratégie fonctionne, la jeune femme aura droit à une nouvelle audience à la Régie du logement et à un répit de plusieurs semaines avant de devoir quitter l'appartement.

«C'est pour ça qu'on attend avant de sortir les boîtes dans la rue, explique Mario Quintin, l'huissier qui assiste impassible à toute la scène. Car si la mère revient avec la rétractation, il faut tout rentrer le stock en dedans.»

Les déménageurs doivent tout emballer: vaisselle, vêtements, nourriture, même les jouets sexuels gardés dans la table de nuit. Karine n'avait aucune intention de quitter le logement, et elle n'a préparé aucune boîte.

La mère revient vers 9 h les mains vides. Il aurait fallu la signature de sa fille pour que la Régie accorde la rétractation, explique-t-elle, donc la procédure a échoué. Karine explose. Elle hurle contre les policières, à grand renfort de jurons et d'insultes. Son visage est écarlate quand les agentes la forcent à demeurer à l'écart pour permettre aux déménageurs de faire leur travail.

«À Montréal, ça fait longtemps qu'elle serait sortie avec les menottes dans le dos», dit l'huissier.

Une fois les meubles et toutes les boîtes sortis, restent les rebuts. Des crottes de chien, de la nourriture pour animaux, une vieille couche. Les déménageurs passent un coup de balai avant de quitter les lieux.

Karine, elle, est sur le trottoir avec son chien et deux gros sacs de plastique qui contiennent les vêtements qu'elle portera dans les prochains jours. Elle marche la tête basse. Il est 10 h et toute sa vie est dans un camion en direction d'un entrepôt municipal.

*Le nom a été changé pour préserver l'anonymat.