L'effervescence qui prévalait dans le marché des immeubles de bureaux à Montréal avant la crise financière est déjà de retour.

Les prêteurs se sont remis au travail. Les acheteurs se bousculent pour mettre la main sur les rares actifs disponibles.

Les rendements exigés par les investisseurs se sont ajustés à la baisse des taux obligataires et avoisinent maintenant les niveaux planchers d'avant la crise financière.

Le phénomène est pancanadien, mais Montréal se démarque avec un taux d'inoccupation des bureaux à la baisse et l'absence de nouveaux immeubles à l'horizon, une combinaison menant tout droit à une augmentation des loyers au centre-ville d'ici un an ou deux.

«La disponibilité des fonds et l'appétit pour l'immobilier commercial sont plus importants aujourd'hui qu'en 2006 et 2007», n'hésite pas à dire Brett Miller, patron du bureau montréalais du courtier CB Richard Ellis.

Avant la crise financière de 2008, les immeubles de bureaux se vendaient à des prix rarement vus.

À Montréal, le taux de rendement, ce que les spécialistes appellent le taux global d'actualisation, exigé par les investisseurs pouvait osciller autour de 6% pour les meilleurs immeubles de bureaux au centre-ville.

À l'image des obligations, les immeubles se vendent en fonction de la valeur actuelle des flux de trésorerie futurs (cash flow).

Le prix de l'immeuble évolue en sens inverse du rendement. Si le rendement est fort, le prix est faible et vice-versa.

«On n'est peut-être pas encore revenu totalement au niveau d'avant le krach, mais on s'y rapproche , dit pour sa part Sylvain Leclerc, vice-président directeur Québec, du Groupe Altus, importante firme canadienne d'évaluateurs agréés. On observe une pression à la baisse sur les rendements depuis trois ou quatre mois.»

Selon Brett Miller, deux raisons expliquent le phénomène: les bas taux d'intérêt qui font qu'il n'en coûte pas cher pour un acheteur de se financer et la volatilité boursière qui pousse certains investisseurs à préférer la stabilité de l'immobilier au Canada.

Prêteurs de retour

L'argent est bel et bien de retour, tout comme les prêteurs, assurent plusieurs spécialistes du domaine immobilier à qui nous avons parlé.

«Pendant la crise, on prêtait avec des écarts de plus de 300 points de base (par rapport aux taux obligataires du gouvernement du Canada de même échéance). On est revenu maintenant à des écarts de 180 points de base, donne en exemple François Plante, directeur principal des prêts hypothécaires à l'Industrielle Alliance. Aujourd'hui, il y a plus d'argent dans le marché.»

Autre exemple de l'ampleur des capitaux en circulation, les fonds de placement immobilier au Canada (les REITs en anglais) ont récolté 6 milliards de dollars sur les marchés financiers dans les 12 derniers mois. Il y a donc beaucoup d'acheteurs, mais peu de produits à vendre.

Parmi ceux-ci, Canderel a récemment mis en vente la Tour Axa, au 2020, University, un édifice de 433 000 pieds carrés, au centre-ville.

SSQ Immobilier a mis sur le marché, à la fin de septembre, le Complexe Papineau-Lévesque, un immeuble de 165 000 pieds carrés au 1200, Papineau, au coin du boulevard René-Lévesque Est, là où logent des stations de radio d'Astral, le bureau du chef du Bloc Gilles Duceppe et la permanence du Parti québécois.

En périphérie du centre-ville, Imperial Tobacco est sur le point de se départir de son siège social de la rue Saint-Antoine, dans Saint-Henri. Le fabricant de tabac s'est engagé à en louer une partie auprès du nouvel acquéreur.

Dans ces trois cas, les investisseurs manifestent beaucoup d'intérêt, nous dit-on.

«Montréal plaît à l'investisseur qui cherche un marché à bas risque», dit Louis Bourgos, premier vice-président du courtier Cushman Wakefield, à Montréal.

Il souligne que le taux d'inoccupation est en dessous de 9% au centre-ville. Un marché est dit en équilibre autour de 10%. Sous cette barre, le marché favorise les propriétaires qui ont plus de marge de manoeuvre pour faire passer des hausses de loyer.

«À Calgary, d'ici deux ou trois ans, les taux d'inoccupation vont grimper à 18% et plus. Plus de 7 millions de pieds carrés arriveront sur le marché. À Montréal, dès que la reprise manifestera un peu de vigueur, on peut s'attendre à une baisse du taux d'inoccupation de 1 point de pourcentage par année», dit ce vétéran de la scène immobilière.

Hausse des loyers

«Les gros blocs contigus de bureaux sont de plus en plus rares au centre-ville, constate Daniel Peritz, premier vice-président et responsable des marchés de Montréal et Ottawa pour Canderel, un propriétaire-gestionnaire qui a mis en vente récemment le 2020, University. Ça va mettre une pression sur les loyers, surtout qu'on n'annonce pas de livraison de nouvelles tours.»

Dans les dernières semaines, RSM Richter a annoncé son déménagement au 1981, McGill College. Desjardins a pris des pieds carrés au 1253, McGill College. THQ a loué 100 000 pieds carrés au 250, Saint-Antoine Ouest.

«En raison du regain des activités de location, nous prévoyons que les loyers vont amorcer une augmentation», écrit le courtier Newmark Knight Devencore, dans sa plus récente étude de marché au centre-ville.

Les loyers ont toutefois encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'atteindre un niveau justifiant sur le plan financier la construction d'un nouveau gratte-ciel au centre-ville.